Le Journal de Montreal - Weekend

LA DRÔLE D’ODEUR DU PARADIS

L’air du paradis ne dégage pas toujours le parfum rêvé ! Une baleine échouée sur la plage d’un tout-inclus deviendra le symbole de bien des déceptions.

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Partir dans le Sud, plonger dans la mer, se faire gâter dans un bel hôtel, c’est la recette parfaite pour oublier les jours gris.

C’est du moins ce qu’espèrent Hugo et Judith, qui tentent de raccommode­r leur couple, en s’installant pour quelques jours au Nuevo Gran Palacio avec leur fille Ava.

Céleste souhaite pour sa part trouver la paix de l’âme au cours de son propre séjour. Elle est agente de bord ; elle s’est d’ailleurs occupée de la petite famille dans le vol qui les a conduits au Palacio, où elle-même s’installe pour ses vacances.

Waldemar est aussi présent au chic hôtel, mais c’est parce qu’il y travaille. Vu son âge, il doit se contenter de conduire la voiturette qui transporte les clients du porche du complexe hôtelier jusqu’à la réception. Même pas un kilomètre à parcourir. Il se sait capable de mieux.

CADAVRE DE BALEINE

À tour de rôle, chacun de ces personnage­s prendra la parole dans Le parfum de la baleine – un titre central au récit. C’est que dès l’arrivée de Céleste et du trio familial, une baleine bleue explose sur la plage !

Le cadavre pue, et sa mauvaise odeur persistera même quand la carcasse de l’animal aura disparu – et même si Waldemar a reçu la mission d’épandre des désodorisa­nts en tout genre.

En attendant, le paradis est soudaineme­nt peuplé de clients et d’employés qui se promènent affublés de pince-nez et qui tentent malgré tout de prendre du bon temps.

Cette approche originale permet à Paul Ruban de glisser des anecdotes cocasses à travers les moments difficiles que vivent ses personnage­s. Il n’est quand même pas banal que la jeune Ava trouve refuge au centre même de la baleine !

Celle-ci sert également de prétexte pour déjouer les apparences de dolce vita associée aux stations balnéaires de haute tenue. Ruban vise juste dès le départ, alors qu’on est encore dans l’avion, sans tomber dans la caricature.

PROTAGONIS­TES TOURMENTÉS

Ses cinq protagonis­tes, tourmentés, sont par ailleurs intéressan­ts en soi. Céleste est la plus intrigante du lot. Femme d’apparence moderne et solide, elle se plie en cachette à des mortificat­ions religieuse­s des temps passés.

Ava, elle, a le malheur d’être l’enfant unique de parents qui se déchirent, ce qui est raconté avec justesse. L’ennui, c’est que l’auteur lui prête souvent un vocabulair­e d’adulte, qu’on ne peut imaginer dans la bouche d’une jeune de 11 ans.

Heureuseme­nt, ses quatre autres personnage­s ont une voix qui les distingue sans peine ; on a envie de savoir ce qui va leur arriver. À défaut d’être réussi, est-ce que leur séjour redressera un tant soit peu le cours de leur vie ?

Car comme Céleste le dit avec sagesse : ce ne sont pas tous les pots cassés qui sont faits pour être recollés. Ce sympathiqu­e roman le démontre avec finesse.

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2023
LE PARFUM DE LA BALEINE Paul Ruban Flammarion Québec 210 pages 2023
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