Le Journal de Montreal - Weekend

« PAS UNE JOURNÉE NE PASSE SANS QUE JE PENSE À LUI »

JEAN-MARIE LAPOINTE RACONTE LES TROIS DERNIÈRES ANNÉES DE SON PÈRE JEAN

- LOUISE BOURBONNAI­S Collaborat­ion spéciale louise.bourbonnai­s @quebecorme­dia.com

Avec beaucoup de sérénité, JeanMarie Lapointe s’est confié sur les trois dernières années passées avec son père, Jean Lapointe, affecté par la maladie. Dans son livre criant d’authentici­té, Notre dernier voyage, qui vient de paraître, il y raconte en toute intimité et sans pudeur son expérience de proche aidant auprès de celui qu’il a aimé jusqu’à la fin et qu’il aime toujours autant aujourd’hui près d’un an après son décès. Un ouvrage vibrant écrit à la manière d’un journal intime.

Amour, paix, sérénité, compassion : voilà ce qui ressort du livre Notre dernier voyage, le cinquième livre de Jean-Marie Lapointe, un homme de coeur qui s’implique bénévoleme­nt dans plusieurs causes. Après avoir écrit Mon voyage de pêche, un livre autobiogra­phique qui raconte sa relation père-fils, voilà que l’hommage à son père se poursuit pour se conclure sur une note triste, pourtant prévisible, puisque personne n’est éternel.

« Je suis toujours habité par l’amour de mon père », confie d’emblée Jean-Marie Lapointe.

« Pas une journée ne passe sans que je pense à lui. La mort met fin à une vie, mais pas à une relation. Mon père est vivant dans mon coeur et ça me fait du bien. »

Même s’il réalise que le grand départ de son père lui fait moins mal que ce qu’il avait anticipé, il admet avoir trouvé difficile de relater les trois dernières années de la vie de son père, le célèbre auteur-compositeu­r-interprète, acteur et sénateur.

Difficile à plusieurs égards. Rappelons d’emblée que son hospitalis­ation et son entrée en CHSLD sont survenues durant le début de la pandémie.

« Lorsque papa était en CHSLD, nous vivions des mesures extrêmes et étions très peu nombreux à pouvoir avoir accès à mon père et devenir proches aidants », se souvient JeanMarie. « Lorsqu’une personne a été autorisée à le voir, c’était sa conjointe Mercédès, mais elle avait l’âge de mon père, c’était difficile pour elle. On a finalement réussi à négocier d’être deux proches aidants sans jamais être présents les deux en même temps. »

C’est en devenant proche aidant que l’idée lui est venue de mettre en mots ce qu’il vivait avec son père, en tenant un journal de bord.

PLUSIEURS DEUILS

Si l’expérience a été difficile, c’est qu’elle a été remplie de deuils, en commençant par la nature de la relation qu’il avait avec son père. Les rôles se sont ainsi inversés, ce n’est plus le père qui s’occupe de son fils, mais plutôt l’inverse.

« Le papa de mon enfance n’est plus, sauf dans mes souvenirs. La nostalgie de nos beaux instants du passé me rattrape par moments. »

À cela s’ajoutent les pertes cognitives de son père, une difficulté à témoigner. « Je n’en reviens pas encore de constater à quel point la détériorat­ion de la santé de papa s’est faite en si peu de temps. La démence est en train de prendre le contrôle de cet homme autrefois si beau et si fort », constate l’auteur.

Une autre difficulté est sans doute l’idée de savoir qu’une fois entré en soins palliatifs, on n’en ressort pas vivant.

« Ce qui me faisait souffrir, en plus de mon grand sentiment d’impuissanc­e, c’était ma peine de ne plus voir, devant moi, le papa qu’il était il y a six mois, un an, dix ans. Et de constater qu’en l’espace de quelques mois à peine il est devenu si vieilli, ralenti, vulnérable, faible et totalement dépendant de tous », ajoute-t-il.

Néanmoins, la relation père-fils qui s’est terminée en douceur n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, notamment en raison de sa dépendance. « Il y a eu des haut et bas entre nous », concède Jean-Marie, qui n’a pas hésité à se faire accompagne­r par la psychologu­e Johanne de Montigny.

Jeune, Jean-Marie a été confronté à la réalité de perdre un parent. Sa mère est décédée à 49 ans de l’alcoolisme alors qu’il n’en avait que 26. « Ç’a été un point tournant dans ma vie, ç’a été très éprouvant et bouleversa­nt, mais ç’a aussi été la bougie d’allumage pour faire de l’accompagne­ment de fin de vie comme bénévole dans les soins palliatifs », explique Jean-Marie. « On dit que la mort ferme les yeux du mourant, mais ouvre ceux du vivant. »

EN TOUTE SÉRÉNITÉ

Néanmoins, Jean-Marie est serein devant la mort de son père. Son père l’était également. « Papa était serein. Il avait la foi inébranlab­le qui lui permet d’être en paix même avec la mort. Il croyait à un paradis et priait. »

En lisant ce livre, on comprend que Jean Lapointe était conscient qu’il n’en avait plus pour longtemps. « Ça me fait pas peur… Je n’ai pas peur du tout du tout de la mort », exprime le père à son fils, dans un moment de lucidité.

Jean-Marie Lapointe conclut son livre en écrivant : « Dans une prochaine vie, je veux que tu sois encore mon père. »

Jean Lapointe est décédé le 18 novembre 2022, à l’âge de 86 ans, à la Maison de soins palliatifs St-Raphaël. Une partie des profits provenant de la vente de ce livre sera versée à cet organisme.

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NOTRE DERNIER VOYAGE Jean-Marie Lapointe Libre Expression 752 pages
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