Le Journal de Montreal - Weekend
COMMENT PERCER LE SECRET DE PAPA
ROMANS D’ICI
Pour secouer sa famille, Lucie décide de s’enlever elle-même. On n’a pas peur de provoquer le destin quand on a 16 ans !
Lucie, adolescente déterminée, s’est installée chez ses voisins partis en vacances. Nul ne sait qu’elle est là et c’est voulu, car c’est le lieu qu’elle a choisi pour simuler sa disparition.
Elle en a assez des non-dits et des tensions qui règnent dans sa famille. Depuis sa naissance, son père, homme d’affaires d’origine française, passe la moitié de chaque mois à Paris. Rien ne peut le faire renoncer à ses allers-retours.
Lucie a pourtant fomenté plus d’un plan pour empêcher son départ : débrancher le réveille-matin, cacher son passeport, envoyer sa valise aux déchets… Et elle cherche avec obstination la raison de cet éloignement, alors qu’il semble très amoureux de sa femme, également mère de Lucie.
Cette Magalie est d’ailleurs une beauté. Et sa manière de fuir la routine et de carburer à l’adrénaline peut fasciner. Elle n’est pas très maternelle toutefois et elle en a marre d’élever seule leurs deux filles.
Mais ses récriminations n’ont aucun effet sur son conjoint. Alors elle s’éclipse tous les vendredis soirs pour recharger ses batteries dans les dry martini.
D’où l’idée de Lucie de profiter de cette soirée pour s’enfuir dès que Serena, sa petite soeur, sera endormie. Impossible que son enlèvement - signalé par un message laissé derrière elle - ne ramène pas son père à Montréal !
Les préparatifs de sa disparition, tout comme les heures passées dans la maison d’à côté, sont l’occasion pour l’ado de raviver une foule d’anecdotes de leur drôle de vie familiale, où les vifs esclandres s’entremêlent à l’attachement.
Avec ces révélations, le titre du roman, Toutes nos disparitions, prend tout son sens. Un père qui s’en va, une mère qui s’absente, une soeurette qui se fait influenceuse dès ses 9 ans, et une Lucie qui use de son imagination pour mieux comprendre le monde qui l’entoure !
LES MAUX DE L’ÉPOQUE
Cela donne un récit raconté à la première personne, avec tout le dynamisme et le ton tragi-comique propres à l’adolescence. Ça fait sourire, en dépit d’un surcroît de comparaisons imagées et de métaphores qui finissent par étourdir.
Évidemment, Lucie apprendra pourquoi son père se promène ainsi entre Montréal et Paris – une explication qui clôt le roman et qui nous satisfait à demi. L’intérêt du récit est plutôt dans son déroulement. On passe intelligemment à travers les maux de l’époque : l’obsession de la beauté corporelle, le danger des correspondances virtuelles, les apparences de vie réussie…
À quoi s’ajoutent des cocasseries, notamment parce que Serena est une somnambule qui en fait voir de toutes les couleurs à la famille, et que le passage de Lucie chez ses voisins ne sera pas reposant – avec un moment de frayeur vraiment bien rendu.
Catherine Larochelle, dont c’est le deuxième roman, décortique ainsi une famille pas idéale, mais pas misérable non plus. Et démontre qu’il ne faut pas désespérer des relations humaines compliquées !