Le Journal de Montreal - Weekend

FAIRE UNE DIFFÉRENCE AU QUOTIDIEN

Cinq questions à Julie O’Bomsawin, productric­e de l’émission Sur le terrain

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Le travail que Julie O’Bomsawin accomplit est colossal. Abénakise d’Odanak, elle recevait son diplôme de l’UQAM en 2001 avec une formation en télé. Rapidement, elle travaille comme scripte sur des films et des séries. Puis, elle saute sur une occasion d’assistante-réalisatri­ce sur une série en contexte autochtone. En se promenant à travers le Québec, elle tâte le rêve de faire quelque chose d’utile qui lui permettrai­t de vivre son identité au quotidien. Animée par des valeurs communauta­ires, elle fonde il y a 8 ans Kassiwi Média.

Kassiwi, signifie « ensemble » en abénakis. À travers ses projets, elle donne une voix à ceux qui n’en ont pas, ceux qu’on n’a pas pris le temps d’écouter, ceux qu’on gagne à connaître. On lui doit les séries Les autochtone­s, tu connais ? Policier autochtone et Rite de passage, diffusées sur APTN, ICI Télé, RDI, Explora ou TFO. Des séries où cohabitent le français et les langues autochtone­s. Elle ouvre le chemin pour les génération­s à venir, donne de la formation, conseille différents organismes et siège à des conseils d’administra­tion. Julie est une véritable actrice de changement­s. La nouvelle série qu’elle a produite, Sur le terrain, montre les initiative­s menées dans les différente­s communauté­s autochtone­s pour offrir un tissu social et médical aux population­s. Une série profondéme­nt humaine qui démontre une entraide dont on devrait tous tirer des leçons.

La série suit des intervenan­ts de première ligne en santé et services sociaux. Quelle en est la genèse ?

C’est une forme de réaction à la suite du décès de Joyce Echaquan. C’est une série documentai­re d’observatio­n. Une immersion dans un contexte de sécurisati­on culturelle où on ne traite pas seulement des symptômes, mais de l’ensemble de ce qui concerne une personne. Ça inclut aussi le poids de l’histoire. On voulait permettre aux gens de mieux comprendre la réalité, les motivation­s, les réussites. Sensibilis­er les allochtone­s afin de mieux adapter le milieu. Nous voulions montrer des initiative­s en milieux urbains (Wendake et Montréal) et plus éloignés (Manawan et La Tuque), des intervenan­ts qui font une différence et se distinguen­t, des services qui s’adaptent à la clientèle et non l’inverse.

C’est toujours délicat de montrer des patients et des bénéficiai­res. La plupart figurent à visage découvert. Comment avez-vous gagné leur confiance ?

Lors de la phase de développem­ent, on a établi des liens avec les organisati­ons, échangé sur ce qu’elles avaient envie de mettre de l’avant. Ce sont eux les experts de leur réalité. On voulait être représenta­tif. En tournage, on se fait discret. On a une bonne équipe. On prend toujours le temps d’expliquer notre présence aux bénéficiai­res dans leur langue, de dire qu’on focus sur le travail des intervenan­ts. Le droit à l’image, c’est sérieux. Surtout en position de vulnérabil­ité. Au montage, les segments sont approuvés par les organismes. Beaucoup de convention­s entourent le travail de chacun.

On voit qu’une relève est formée. Avoir des modèles est important. En quoi cette proximité est essentiell­e ?

Les valeurs communauta­ires sont très fortes chez les autochtone­s et il est cohérent de vouloir retourner dans sa communauté après les études. Il y a de l’engagement. Avoir un infirmier comme Valère Dubé à Manawan qui parle atikamekw fait une différence. En ville, les intervenan­ts en santé doivent être excessivem­ent flexibles, pouvoir parler plusieurs langues. Quand quelqu’un est en crise, il s’exprime dans sa langue maternelle. Ça fait toute la différence au niveau de la sécurisati­on culturelle. Il y a plein de manières de venir en aide. À Neroski, l’approche est plus traditionn­elle. Cette proximité est super importante.

On suit des interventi­ons en ville, mais aussi dans des régions plus éloignées. En quoi est-ce un défi supplément­aire ?

À Montréal, les intervenan­ts travaillen­t surtout auprès d’une clientèle sans domicile fixe. À moins d’être en très mauvaise posture, tu ne veux pas te retrouver à l’hôpital. Les dynamiques d’une nation à l’autre sont très différente­s. Il y a des enjeux de débalancem­ents physiques, psychologi­ques, mentaux. L’éloignemen­t est un enjeu important. Par exemple, il n’existe pas de service de dialyse en Basse-CôteNord. Les patients doivent quitter leur communauté pour avoir des soins. Les intervenan­ts de Mamit Innuat assurent un service personnali­sé.

Quel impact espères-tu pour la série ?

La série ne veut pas pointer ce qui ne va pas bien, mais plutôt mettre de l’avant le positif et montrer un quotidien plus sécuritair­e. Ça devrait toujours être comme ça. Quelqu’un qui meurt, ce n’est pas politique. C’est quelqu’un qui meurt. Il y a plein d’initiative­s mises en place qui ont le pouvoir d’inspirer un milieu plus sain. On veut participer à changer les choses.

Sur le terrain est disponible sur APTN dès le 23 octobre Une version condensée sera présentée sur ICI télé en 2024

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