Le Journal de Montreal - Weekend

L’ÉCHEC D’UN COUPLE DÉCORTIQUÉ

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal maxime.demers @quebecorme­dia.com

Dans son film Anatomie d’une chute, drame judiciaire magistral qui a remporté la Palme d’or au dernier Festival de Cannes, la réalisatri­ce française Justine Triet examine les rapports de force et de domination au sein d’un couple en mettant en scène le procès d’une écrivaine accusée d’avoir tué son mari. Le Journal s’est entretenu avec elle.

L’intrigue d’Anatomie d’une chute repose sur un fait divers : Sandra (Sandra Hüller), une autrice allemande, vit avec son mari, Samuel (Samuel Theis), et leur fils malvoyant (Milo Machado-Grane) dans un chalet perdu au milieu des Alpes. Un jour, au lendemain d’une dispute avec Sandra, Samuel est retrouvé mort sur la neige après une chute du deuxième étage.

Est-ce un accident ? Un suicide ? Un meurtre ? Une enquête est ouverte et Sandra devient rapidement la principale suspecte. Avec l’aide d’un ami avocat (Swann Arlaud), elle devra aller prouver son innocence dans un procès au cours duquel tous ses problèmes de couple referont surface.

« J’aimais l’idée de passer par l’endroit du judiciaire pour disséquer, observer et passer au microscope la relation d’un couple », résume Justine Triet (Sybil, Victoria) dans un entretien accordé par visioconfé­rence, plus tôt cette semaine.

« Je trouvais que c’était plus intéressan­t et moins laborieux d’aborder ce sujet dans un film de procès que de le faire de façon naturalist­e en entrant dans la maison d’un couple pour observer comment il fonctionne. »

RAPPORTS DE FORCE

En braquant sa caméra sur ce couple, Justine Triet porte un regard critique sur la société en analysant le regard des hommes sur les femmes, mais aussi celui des femmes sur les hommes.

« Ce qui m’a inspirée, c’est qu’il y a plein de choses sur lesquelles on avance très lentement [dans notre société], dont notamment l’idée de voir une femme qui a plutôt réussi socialemen­t et qui n’est pas perçue comme la parfaite victime, qui ne pleure pas assez et qui a l’air un peu trop solide », explique la cinéaste de 45 ans

« Aux yeux des gens, le personnage de Sandra ne pleure pas assez et a l’air un peu trop solide et en possession de ses moyens. Cela fait en sorte qu’elle a l’air finalement plus suspecte qu’une femme qui serait davantage dans une attitude de soumission vis-à-vis de son mari. »

Documentar­iste de formation, Justine Triet dit avoir effectué un travail de recherche pour construire le scénario d’Anatomie d’une chute, qu’elle a coécrit avec son compagnon, l’acteur et réalisateu­r français Arthur Harari. Comme tout bon drame judiciaire, le film ne révèle pas tout et laisse plusieurs questions en suspens, notamment sur la question de la culpabilit­é de Sandra.

« La question à savoir si elle est coupable ou pas est importante parce qu’elle tient le spectateur en haleine jusqu’au bout », indique la réalisatri­ce.

« En revanche, comme dans la vraie vie, quand on regarde une série documentai­re, on a envie de tout savoir, mais on ne réussit pas toujours à le faire. Dès le début, je savais que le film se construira­it sur le doute. J’ai hésité à adapter un fait divers, mais je savais que si je le faisais, ce serait un fait divers dont je n’avais pas la solution. Parce que personnell­ement, ce sont les cas dans la vraie vie qui me passionnen­t le plus. »

Anatomie d’une chute prend l’affiche au Québec le 27 octobre.

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ANATOMIE D’UNE CHUTE

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