Le Journal de Montreal - Weekend

SENSIBILIS­ER LES GENS GRÂCE À LA FICTION Les révoltés

Cinq questions à Anita Rowan, scénariste pour

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Des histoires, Anita Rowan en concocte depuis plus d’une dizaine d’années. Elle a écrit plusieurs sketches des Parent, les cinq saisons d’O’, en plus de collaborer à L’Échappée, Une autre histoire, L’effet secondaire et Chaos. Dans les deux dernières années, elle a eu l’occasion de s’affranchir davantage en menant de front deux projets costauds comme autrice solo.

Les yeux fermés (mercredi 21 h sur ICI Télé) explore les événements qui nous forgent dès la jeunesse et le deuil. Une série psychologi­que qui plonge au coeur de la mythologie d’une famille qui nage toujours dans l’incompréhe­nsion.

Du côté de Club illico, Les révoltés témoigne de la lutte d’une avocate et d’un journalist­e pour la justice sociale. Ils aident, chacun à leur façon, des opprimés et des démunis confrontés à notre système. Une fiction actuelle qui peut difficilem­ent nous laisser insensible­s.

L’idée des Révoltés vient de Fabienne Larouche et Michel Trudeau. As-tu eu un beau terrain de jeu pour créer la série ?

Michel et Fabienne abordent des préoccupat­ions sociales dans tout ce qu’ils font. Ils aiment la télévision utile, qui fait réfléchir, qui est ancrée dans le présent. Ils avaient l’idée d’un duo qui serait un peu comme le bureau des derniers recours. Il y a tellement de grogne envers le système, de conspirati­onnisme, de ras-le-bol face aux institutio­ns. C’est encore plus flagrant depuis la pandémie. À partir de là, j’ai eu toute la liberté pour incarner Éléonore et Jacob. J’ai parlé à un journalist­e qui est un peu ce bureau de dernier recours, j’ai fait énormément de recherches pour que chaque histoire soit ancrée dans une réalité crédible. J’ai beau avoir beaucoup d’imaginatio­n, je devais parler tant à des gens lésés qu’à des gens du système. C’est comme ça que les cas se sont imposés.

On sait qu’un auteur écrit, mais, tu l’as dit, un gros travail de recherche a précédé les textes. Comment as-tu réparti ton travail ?

J’aime faire mes recherches moi-même parce qu’au fil de mes rencontres, les cas se dessinaien­t dans ma tête. C’est quasiment un travail de journalist­e même si mon travail reste avant tout de divertir les gens. Ce que j’aime, et c’est rendu un peu ma spécialité, c’est de montrer toutes les nuances de gris. Rien n’est tout noir ou blanc. C’est une série de nuances malgré son titre : Les révoltés. Par exemple, pour la DPJ, on prend souvent le point de vue des enfants. Ma porte d’entrée a plutôt été celle d’une famille d’accueil. Ça a nécessité plusieurs semaines de recherches puis je me suis tournée vers mes collaborat­eurs, des spécialist­es de leurs domaines. Mon défi est de m’imprégner des faits, de les mettre de côté pour que la fiction prenne le dessus. J’ai aussi un désir de faire réfléchir les gens.

Éléonore est avocate, Jacob, journalist­e, deux métiers importants pour changer le monde. Ont-ils un réel pouvoir ?

Ils ont les mêmes buts. Ce sont deux jeunes idéalistes dont les idéaux vont se buter à des fonctionna­ires bornés. Ils s’y prennent par des chemins différents. Par le levier de la justice qui est puissant et par la méthode d’enquêtes journalist­iques qui donne un certain pouvoir parce que l’opinion publique compte pour beaucoup. Des fois, ils s’aident et des fois non. Une injustice flagrante va souvent se régler après être passée dans les médias.

C’est une série ambitieuse. Est-ce que les paramètres budgétaire­s t’ont obligée à faire beaucoup de deuils ?

J’ai la chance de travailler pour une boîte de production qui met tout l’argent à l’écran. On a recréé Haïti à Laval et je pense que la magie opère.

Les choix ont été plus pour éviter que l’histoire ne s’éparpille. Nous avons plusieurs univers, mais je n’ai senti aucune contrainte. Louis Choquette, le réalisateu­r, a une expérience incroyable. Nous avons formé une belle équipe créative.

La série aborde l’immigratio­n, la violence conjugale, l’erreur médicale, l’itinérance. On parle de la DPJ, de la question autochtone. On sait que faire de la télé prend du temps. Comment rester actuel ?

J’ai écrit la série il y a 2 ans, le chemin Roxham n’était pas fermé. Je n’ai pas de boule de cristal, j’y vais avec des enjeux qui m’interpelle­nt. Malheureus­ement, ces enjeux ne se règlent pas. Je salue le diffuseur d’avoir eu le courage qu’on puisse aborder ces sujets-là librement. Je ne prends pas position. Ce sont avant tout des histoires humaines. Je n’ai pas la prétention de faire changer des opinions, mais j’espère allumer quelque chose chez les téléspecta­teurs. Cette série m’a challengée et m’a fait évoluer comme personne.

Les révoltés

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