Le Journal de Montreal - Weekend
LA RENCONTRE DE GILLES DE LA TOURETTE
Dre CHRISTINE GROU Psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec
Par les gestes et les sons qu’ils émettent de façon soudaine et répétée, ils attirent les regards, suscitent de la curiosité, de la gêne, du jugement, ou encore de l’inquiétude. Or, ces personnes pourraient vivre avec le syndrome Gilles de la Tourette, et ainsi manifester, bien malgré eux, des tics moteurs ou vocaux. Trop souvent incompris, les gens aux prises avec ce syndrome font encore aujourd’hui l’objet de nombreux préjugés… Que se passe-t-il dans leur cerveau, et comment parvenir à mieux les soutenir ?
UN SYNDROME DÉCOULANT D’UN DÉSÉQUILIBRE CHIMIQUE DANS LE CERVEAU ?
Si les causes exactes de ce syndrome ne sont pas encore entièrement connues, on estime que ce trouble pourrait résulter d’un déséquilibre chimique dans le cerveau. En outre, un débalancement de la dopamine, une molécule biochimique qui exerce une influence directe sur le comportement, générerait des difficultés de contrôle et de coordination du corps, engendrant par le fait même ces tics moteurs et vocaux.
Ce syndrome voit également le jour durant l’enfance, période de la vie où chacun doit apprendre à contrôler ses émotions et ses inhibitions, et ce, autant sur le plan moteur que verbal. Devant les frustrations, les embûches, ou face aux refus des parents que l’enfant peut vivre durant cette période, cet apprentissage s’avère encore plus difficile pour les enfants vivant avec ce syndrome : ils manifestent, malgré eux, des réactions qui semblent inadéquates ou disproportionnées. Ces comportements peuvent faire peur à plus d’une personne dans leur entourage, en plus d’engendrer leur lot de réactions en chaîne...
Malgré toutes ses tentatives de contrôle, une personne vivant avec ce trouble peut se mettre à sautiller, à grimacer, à taper sur le bras d’un autre, à multiplier les onomatopées, à renifler ou à tousser à répétition. Plus rarement, ce syndrome peut aussi amener la personne à crier des jurons ou des obscénités. C’est d’ailleurs ce que l’on voit la plupart du temps à la télévision ou au cinéma, donnant la fausse impression que toutes les personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette sont forcément aux prises avec ces manifestations, alors que dans les faits, ce n’est pas le cas.
UN SYNDROME, PAS UNE MALÉDICTION
Puisqu’elles doivent souvent composer avec l’incompréhension, le regard ou le jugement des autres, les personnes vivant avec le syndrome Gilles de la Tourette peuvent être victimes de stigmatisation et d’isolement social, en plus de souffrir d’anxiété et de dépression, notamment. Imaginez un seul instant tous les défis que ces personnes doivent sans cesse relever : dans de nouveaux environnements, au sein de nouveaux emplois, ou lorsqu’elles rencontrent de nouvelles personnes… Si nous nous mettions à leur place, nous comprendrions à quel point leur niveau d’anxiété ou de détresse peut être élevé, n’ayant pas le plein contrôle sur leurs mouvements ou les sons qu’ils émettent.
En comprenant mieux les divers aspects de cette maladie, nous pourrons offrir le meilleur soutien possible aux personnes vivant avec ce syndrome. Heureusement, les recherches scientifiques sont de plus en plus nombreuses, et plusieurs cliniques spécialisées offrent désormais différents traitements pour mieux gérer ces symptômes. À titre d’exemple, certaines thérapies peuvent permettre à ces personnes de mieux contrôler leurs tics. Différentes techniques, telles que la relaxation et l’imagerie mentale (le fait de visualiser mentalement des situations basées sur des souvenirs et des visions), peuvent aussi leur être d’une aide précieuse. Divers regroupements et associations permettent également de briser la solitude que peuvent vivre ces personnes.
UNE RESPONSABILITÉ QUI NOUS REVIENT
Au cours des dernières années, en étant mieux informée et sensibilisée quant au TDAH et au trouble du spectre de l’autisme, la société a su mieux comprendre ces problématiques et ainsi devenir plus sensible aux difficultés avec lesquelles les individus atteints doivent composer. Le syndrome de Gilles de la Tourette devrait lui aussi être mieux connu de tous, car les personnes vivant avec ce syndrome méritent, elles aussi, tout notre respect, notre compréhension et notre empathie. Il ne faudrait donc pas perdre de vue un traitement absolument indispensable : celui de nature sociale. Il est de notre devoir à tous de bâtir une société inclusive et adaptée pour eux, ce qui diminuera sans conteste la pression des enjeux psychologiques chez les personnes vivant avec ce syndrome et leurs familles.