Le Journal de Montreal - Weekend
DAVID CONTRE GOLIATH
Imaginez… On est au début des années 2000. Vous vivez paisiblement à la campagne et avez à coeur votre environnement. Entre autres activités, vous dirigez l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). Un jour, vous découvrez qu’une compagnie vient de s’installer dans votre arrière-cour en y déposant des centaines de carcasses de voitures rouillées. Celles-ci laissent échapper des liquides suspects qui forment une rigole se déversant dans la rivière qui vient tout juste d’être dépolluée, après des années d’efforts.
Votre première réaction est de vous demander si tout cela est légal, si les gens du voisinage ont été consultés et si la ville a donné son autorisation. Puis vous découvrez que ce cimetière de vieilles voitures va servir de centre de déchiquetage, mais qu’aucun permis n’a été octroyé à ce jour et qu’aucune étude d’impact environnemental n’a été effectuée.
Cette activité industrielle est donc illégale et vous entendez bien la contester. Vous vous adressez alors aux tribunaux et demandez une injonction, qui sera rapidement accordée.
Or, le propriétaire de cette entreprise de récupération est prêt à jouer dur. Il contacte donc une firme privée pour tenter d’intimider cet empêcheur de tourner en rond tout en lançant une poursuite-bâillon contre l’AQLPA.
« Une poursuite abusive… […] Soit vous payez une fortune pour vous défendre, soit vous fermez vos gueules. » Résultat : après 80 ans d’activités, l’AQLPA, un des plus vieux groupes écologistes au Québec, lourdement endetté, dut fermer ses portes.
Cette triste histoire est véridique et c’est ce que raconte André Bélisle dans cet ouvrage captivant qui retrace ses 40 ans de luttes pour l’environnement.
L’AIGLE
Tout a commencé lors d’un congé en Colombie-Britannique, alors qu’André Bélisle s’éprend d’une Autochtone. La mère de celle-ci, une chamane, lui fait cette surprenante révélation : « Toi, tu es un aigle, c’est ton totem. Je connais ton destin. Ta mission est de protéger la nature et la planète. Si tu ne le fais pas, tu le regretteras. Si tu te soumets à ton destin, ta vie sera semée d’embûches, mais tu accompliras de grandes choses. »
Ces paroles aux allures prophétiques, Bélisle s’en souviendra lorsqu’il décidera de se consacrer à la cause de l’environnement, au début des années 1980.
Ce qui distinguait l’AQLPA des autres organisations écologistes, c’était sa volonté de faire de l’éducation populaire. Elle n’hésitait pas à se déplacer dans les centres commerciaux à travers le Québec en y installant des kiosques d’information. Déjà à l’époque, on dénonçait les Mines Noranda comme étant le plus gros pollueur au Québec et le second au Canada, après l’INCO.
DES BARRAGES
Encore aujourd’hui, le débat persiste au sujet de la stratégie énergétique d’Hydro-Québec, qui oppose les environnementalistes protecteurs de la nature au lobby des ingénieurs qui propose de construire des barrages sur toutes les grandes rivières du Québec.
Pour l’AQLPA, « cette idée de construire des barrages au Québec et d’exporter notre électricité aux États-Unis, évitant ainsi, là-bas, la production d’énergie plus sale, était ridicule ». Que doit-on choisir entre la construction de barrages pour produire une énergie propre et le sacrifice de rivières vierges ?
De nombreux progrès ont été réalisés depuis les premiers smogs meurtriers provoqués par la combustion du charbon et du diésel dans les années 1930. Le Québec s’est longtemps vanté d’être le champion parmi ceux qui émettent le moins de GES. L’est-il encore aujourd’hui ? La suite dans le prochain tome.