Le Journal de Montreal - Weekend

DANS LES COULISSES D’OCTOBRE 1970

Cette copieuse rentrée nous offre deux albums d’artistes locaux aux tonalités fort différente­s qui abordent chacun un événement ayant indubitabl­ement façonné le Québec d’aujourd’hui que voici.

- JEAN-DOMINIC LEDUC Collaborat­ion spéciale

La crise d’Octobre fut incontesta­blement l’un des chapitres marquants du siècle dernier de l’histoire du pays, une manifestat­ion radicale témoignant de la scissure entre deux Québec.

Si le cinéma nous a donné des oeuvres fortes à son sujet (Les Ordres de Michel Brault ; Octobre de Michel Falardeau) ainsi que de percutants documentai­res (Les Rose de Félix Ross ; Action : The October Crisis of 1970 de Robin Spry) jamais jusqu’ici la bande dessinée québécoise n’avait abordé ce terreau de manière aussi frontale qu’avec Mourir pour la cause de l’auteur montréalai­s Chris Oliveros.

Ayant grandi dans une banlieue anglophone de Montréal des années 70 au début des années 80, c’est lors d’un cours d’histoire du Canada en secondaire 4 où est présenté le documentai­re de l’ONF de Spry qu’il entend parler des événements pour la première fois.

DOCU-FICTION

S’inspirant de l’approche de Chester Brown pour l’album Louis Riel – dont il fut l’éditeur via l’incontourn­able structure éditoriale Drawn & Quarterly qu’il fonda en 1990 –, Oliveros fait le choix du désengagem­ent émotionnel, de dialogues lisses, d’une approche graphique minimalist­e et de l’usage d’un copieux appendice en guise d’approche.

Et c’est par le truchement d’un

« faux » documentai­re de la CBC retrouvé qu’il choisit de raconter trois moments clés menant aux événements d’octobre 1970.

« Mon objectif initial était de faire un livre sur la crise d’octobre 1970. Le livre aurait un prologue d’environ 10 à 20 pages sur ce qui s’était produit avant : les événements des années 1960. Mais quand j’ai commencé mes recherches sur cette période antérieure, j’ai été sidéré par ce que j’apprenais. Il y avait tellement de détails incroyable­s qui ont été perdus sur cette période, des détails complèteme­nt inconnus. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que le premier livre devait être consacré sur le FLQ des années 1960 », affirme Oliveros.

« J’ai essayé de ne pas prendre parti sur aucun des événements, mon objectif était de tout baser sur des faits confirmés. J’ai utilisé des éléments qui pourraient être validés par les reportages des journaux de l’époque et par les livres écrits sur le sujet. »

EN ANGLAIS ET EN FRANÇAIS

Chose rarissime, l’album jouit d’une parution simultanée en anglais chez Drawn & Quarterly et français aux Éditions Pow Pow.

« Comme le sujet du FLQ est tellement important pour le Québec, il n’y avait pas de doute pour moi que la seule option était de travailler avec une maison d’édition québécoise. »

C’est nul autre que l’émérite scénariste Alexandre Fontaine Rousseau qui signe la traduction.

« Je voulais traduire le livre cinq minutes après l’avoir terminé. J’étais vraiment emballé, parce que j’ai tout de suite trouvé que Chris amenait quelque chose de différent à la conversati­on générale sur le sujet. »

En effet, le travail d’Oliveros apporte un tout autre éclairage sur le sujet. Reposant sur une solide documentat­ion, son récit, d’une redoutable efficacité narrative et graphique, s’intéresse aux fondations de l’éventuelle révolte, qui fera d’ailleurs l’objet d’un prochain livre.

Bien plus qu’un incontourn­able de la saison, Mourir pour la cause est une oeuvre de fond à ranger aux côtés des René Lévesque, quelque chose comme un grand homme, 1792 à main levée, La Petite Russie, 1642 Osheaga/ Ville-Marie et Le retour de l’Iroquois.

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MOURIR POUR LA CAUSE Chris Oliveros Éditions Pow Pow
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