Le Journal de Montreal - Weekend
JOËL DENIS, L’INTEMPOREL
D’aussi loin qu’on se souvienne, l’homme et l’artiste n’ont jamais laissé le public indifférent. Avec le recul, après 65 ans de métier, Joël Denis aurait-il fait les choses autrement ? Sûrement pas ! Défiant à nouveau l’ordre établi, l’octogénaire vient de lancer en grand un disque de chansons originales.
C’est à se demander s’il l’a fait pour lui ou pour faire un pied de nez à notre société qui, trop souvent, face aux artistes vieillissants, verse dans l’âgisme.
« Je n’ai rien voulu prouver aux autres. J’ai toujours aimé relever des défis. Lorsque je tombe dans la routine, ma vie devient plate. Il faut toujours que j’aie quelque chose à faire. Je me suis souvent cassé la gueule et me suis moi-même donné des jambettes. En fait, je voulais me provoquer et mettre un genou à terre pour me forcer à me relever. J’ai l’âme d’un boxeur. Je déteste les barrières que la société nous impose. L’âgisme ne m’atteint pas, parce que je le combats », dit-il avec fierté.
UNE BÊTE DE SCÈNE
Lors de son lancement-spectacle au cabaret Lion d’Or, l’artiste, accompagné de sept musiciens, avait fière allure dans sa redingote noire. D’ailleurs, on lui aurait facilement donné 20 ans de moins.
« Je suis resté sur un nuage durant trois jours. Mais je me suis aussi rendu compte, et ça m’a bouleversé, que j’avais probablement manqué le bateau dans ma carrière. Au fond de moi, j’ai toujours été un chanteur, auteur-compositeur, et j’ai souvent mis en avant uniquement mon côté chanteur. Sans dire que je le regrette, je réalise que c’est fondamentalement ce que je suis. »
« Lorsqu’on se présente devant le public, on devrait toujours être tiré à quatre épingles et y mettre tout son coeur, comme le faisait Michel Louvain. Non seulement par respect pour les gens, mais aussi pour l’image que je veux qu’ils gardent de moi. »
LE SABLIER DU TEMPS
En 1963, coanimateur de Jeunesse d’aujourd’hui aux côtés de Pierre Lalonde, Joël Denis connaissait ses premiers grands succès : L’école est finie, Copain copain, Le yaya, Hey hey Lolita… En 2023, il chante Ne t’en fais pas avec la vie, titre de son nouvel album. Aurait-il aimé adopter cette philosophie plus jeune ?
« “Ne t’en fais pas avec la vie” est un conseil que je me donne à moi-même, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Je pense souvent au passé et je m’inquiète de l’avenir, sauf lorsque je suis sur une scène. On aurait tous préféré ne pas s’en faire autant avec la vie, mais c’est ça, la vie (rires). Elle nous permet de nous connaître, de nous former et de nous améliorer. À 87 ans, je suis plus gourmand de mon temps et j’essaie de ne gaspiller aucun instant. »
Sur son album de chansons, dont il a composé toutes les paroles et les musiques, il aborde l’amour, le temps qui passe, le vieillissement et les deuils inévitables de la vie.
« J’ai réussi à mettre sur papier ce que je ressentais et je suis fier de l’avoir fait. Les sujets qui m’interpellent le plus sont le vieillissement et la mort. Je ne suis pas capable d’accepter ça. […] Quant à l’amour, toutes les femmes que j’ai aimées m’ont quitté. Ce n’est pas facile d’aimer. […] Ma priorité est de finir ma vie en douceur, entouré des gens que j’aime. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Joël Denis aura résisté à tous les vents du métier et été résilient devant toutes les intempéries de sa vie. « Je suis comme un érable : fort, grand et en santé. Ce qui plie ne casse jamais », conclut-il en éclatant de rire.
Son album Ne t’en fais pas avec la vie est disponible.