Le Journal de Montreal - Weekend
UNE FRESQUE SUR L’ADOLESCENCE
Quinze ans après avoir suivi une dizaine d’étudiants d’une école secondaire de Loretteville, en banlieue de Québec, pour le film À l’ouest de Pluton, qu’il a coréalisé avec Myriam Verreault, le réalisateur Henry Bernadet est retourné sur le terrain pour aller cette fois-ci à la rencontre d’un groupe d’adolescents du quartier Saint-Michel, à Montréal.
Dans Les rayons gamma ,son nouveau film qu’il a tourné sur une période de deux ans en pleine pandémie, Henry Bernadet donne donc la parole à plusieurs jeunes issus de l’immigration qu’il a rencontrés en organisant des ateliers de jeu à l’école secondaire Georges-Vanier. En discutant avec eux et en apprenant à les connaître, le cinéaste a eu l’idée d’écrire un scénario de film en s’inspirant de leurs personnalités et de leurs réalités, en mélangeant documentaire et fiction.
« Au départ, le film devait être une fresque dans le quartier [Saint-Michel et Villeray], mais pas seulement avec des jeunes », explique Henry Bernadet, en entrevue au Journal.
« Je savais que je voulais faire un film pour aller à la rencontre des gens de cultures différentes de la mienne. Quand je suis arrivé à Montréal, j’ai déménagé dans Villeray, un quartier très multiculturel. J’étais fasciné par les différentes cultures qui m’entouraient et j’avais envie d’en savoir plus sur les gens du quartier. Mais quand j’ai rencontré ces jeunes-là, il y a eu un déclic. Je les ai trouvés tellement intéressants que j’ai voulu écrire un film sur eux et avec eux. »
Henry Bernadet ne s’en cache pas : la démarche préconisée pour Les rayons gamma s’apparente beaucoup à celle utilisée pour À l’ouest de Pluton, il y a une quinzaine d’années. Le résultat final est très différent cependant.
« Je ne vois pas Les rayons gamma comme une suite d’À l’ouest de Pluton, mais il y a assurément des ressemblances et des liens à faire entre ces deux films-là », observe le réalisateur.
« Mais en même temps, c’est complètement différent parce que c’est un autre monde. Les jeunes dans
À l’ouest de Pluton, on était comme des grands frères et des grandes soeurs pour eux. Je connaissais très bien ce milieu-là parce que c’était mon ancienne école secondaire. Mais là, c’est complètement un autre monde. Pour ces jeunes-là, je suis comme un étranger. Ils me vouvoient encore même si j’ai passé des heures à tourner avec eux ! »
« Mais ma plus grande satisfaction, c’est qu’ils ont beaucoup aimé le film. Ils en sont fiers. C’est ça qui était le plus important pour moi. »
IDENTITÉ QUÉBÉCOISE
Henry Bernadet admet que le montage des Rayons gamma a été long et complexe. C’est qu’en tournant son film en plusieurs blocs, sur une période de deux ans, le réalisateur avait mis en boîte des dizaines d’heures de matériel.
« Le film est un chassé-croisé de plusieurs histoires, alors j’ai cherché pendant longtemps pour trouver le bon équilibre, souligne-t-il. Je voulais éviter qu’une histoire prenne plus de place qu’une autre. C’était aussi important pour moi que le documentaire et la fiction se mélangent de façon harmonieuse et que le film propose un voyage sensoriel et visuel dans le quartier. »
En braquant sa caméra sur les jeunes de son film, Henry Bernadet souhaitait les voir répondre à certaines questions toutes simples, à savoir, par exemple, ce qu’ils aiment dans la vie ou s’ils se sentent québécois. Certaines de leurs réponses ont été difficiles à accepter pour lui, notamment celles sur l’identité québécoise.
« Une des choses qui m’a le plus surpris, c’est qu’ils ne se sentent pas québécois du tout, confie-t-il. Ça m’a déchiré et ça m’a fait mal, en fait. J’ai trouvé ça très difficile à entendre. Ça m’a déçu. Mais en même temps, ils ont des références québécoises. Pour moi, ils sont complètement québécois, mais c’est moins évident pour eux. Il y a encore du travail à faire. »
Les rayons gamma a pris l’affiche hier.