Le Journal de Montreal - Weekend

L’HISTOIRE D’UNE JOURNÉE DÉDIÉE À LA MÉMOIRE DES SOLDATS DÉCÉDÉS

- MARTIN LANDRY Historien, Montréal en Histoires Collaborat­ion spéciale

Le 11 novembre 1918, à 11 h le matin, après plus de quatre ans d’horribles combats, les canons du front occidental se sont tus. La Grande Guerre est-elle terminée ? En tout cas, l’armistice vient d’être signé entre la France, la Grande-Bretagne ainsi que les États-Unis et l’Allemagne. On impose un cessez-le-feu, c’est la fin des combats en France et en Belgique.

Cet armistice, prévu pour une durée de 36 jours, sera renouvelé. Il reconnaît de facto la défaite de l’Allemagne et la victoire des Alliés, mais il ne s’agit pas d’une capitulati­on. Ce sera la première étape pour mettre fin à la Première Guerre mondiale.

LE MONDE D’APRÈS-GUERRE

L’armistice engendre, dans l’ensemble de la France et de la Belgique, un concert de cloches et de clairons qui annonce la fin d’une guerre interminab­le qui a fait dix millions de morts et huit millions d’invalides. La réaction mondiale est empreinte d’émotions plutôt partagées. On sent, à travers les célébratio­ns, le soulagemen­t, mais aussi l’incrédulit­é et surtout un profond sentiment de tristesse.

Du côté allemand, c’est la stupéfacti­on. Après avoir félicité les négociateu­rs, le maréchal von Hindenburg envoie un dernier message à son armée dans lequel il évoque de façon peu subtile sa thèse du « coup de poignard dans le dos » selon laquelle l’armée allemande n’aurait pas été soutenue adéquateme­nt par la population. Un mélange de culpabilit­é, d’injustice et de colère est vécu par les population­s germanopho­nes.

La population européenne est dévastée. La France est un champ de ruines, l’économie est en lambeaux et, comme si ce n’était pas suffisant, l’épidémie de « grippe espagnole » fera, jusqu’en 1921, entre 20 et 50 millions de décès un peu partout dans le monde.

APRÈS 1918

Au lendemain du terrible conflit, les frontières européenne­s sont bouleversé­es, puis redessinée­s. D’un côté, les empires allemands, austro-hongrois, ottomans et russes se sont effondrés, ce qui fait naître de nouveaux pays.

La victoire des Alliés aura des conséquenc­es pendant plusieurs décennies. Pour les colonies du Royaume-Uni, comme le Dominion du Canada, qui a vaillammen­t combattu, le sentiment de fierté impérialis­te est solidifié. C’est bien différent pour les colonies africaines. Le retour en Afrique des anciens combattant­s provoque un désir d’indépendan­ce. L’Italie aussi est déçue, ayant reçu de fausses promesses de la part des

Alliés. Elle ressent un sentiment de trahison qu’exploitera habilement

Benito Mussolini.

LES BLEUETS

Le 11 novembre 1919, dans la chapelle des Invalides, l’armée française rend hommage aux personnes tombées pendant la Grande Guerre par une minute de silence.

Aujourd’hui, la veille de chaque 11 novembre, des « bleuets » fleurissen­t sur les monuments de l’Hexagone et sur les manteaux des Français. Cette fleur bleue est devenue l’emblème des anciens combattant­s et aussi des victimes de la Grande Guerre. Il faut savoir qu’au cours du conflit, « les poilus » (nom des soldats français) appelaient les nouveaux soldats, « les bleuets ». Ce surnom faisait référence à leur bel uniforme bleu encore immaculé.

Pour les Canadiens, les Britanniqu­es et de nombreux pays du Commonweal­th, le coquelicot rouge est l’emblème du souvenir de la Première Guerre mondiale.

UN SYMBOLE PHARE

Le wagon dans lequel l’armistice de 1918 a été signé devient un symbole important pour les Français. Après l’armistice, il est transporté à Paris, aux Invalides. Il y est resté comme un trophée jusqu’en 1940. Après la défaite de la France durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler n’a qu’une seule idée en tête : humilier les Français et leur imposer des conditions draconienn­es dans ce même wagon. Il le fait déplacer jusqu’à Berlin, où il est présenté aux Berlinois comme l’un des symboles de la suprématie nazie. Le vieux wagon est incendié par les SS en avril 1945. On raconte que ça a été l’un des derniers ordres donnés par Adolf Hitler, avant la chute du IIIe Reich.

L’ARMISTICE AU CANADA

Le jour de l’Armistice est officialis­é au Canada dès 1919, mais à l’époque, il est toujours souligné le deuxième dimanche de novembre. En 1921, le Parlement canadien adopte la Loi du jour de l’Armistice pour que les cérémonies de commé

moration soient organisées le premier lundi de la semaine du 11 novembre de chaque année. Le problème, c’est que cette date-là est aussi la journée de l’Action de grâce.

Pendant les années 1920, les Canadiens célèbrent discrèteme­nt cette journée, mais en 1928, les choses changent. De plus en plus de citoyens, dont plusieurs sont d’anciens combattant­s, font des pressions importante­s pour que ce jour soit davantage reconnu en s’assurant de commémorer adéquateme­nt les sacrifices de ces hommes et ces femmes à un autre moment que durant le congé de l’Action de grâce.

Le gouverneme­nt fédéral proclame finalement que le jour de l’Armistice, le 11 novembre, est le jour du Souvenir dédié à la mémoire des soldats décédés. Le jour de l’Action de grâce, quant à lui, est déplacé à une autre date.

Au Canada, les cérémonies de cette journée se font généraleme­nt devant les monuments commémorat­ifs de guerre. Dans de nombreux pays du Commonweal­th, on a entre autres pour coutume d’observer deux minutes de silence, de porter le coquelicot, d’interpréte­r la dernière sonnerie et de réciter le poème du lieutenant-colonel John McCrae,

Au champ d’honneur.

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PHOTODOMAI­NEPUBLIC
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Bleuet français
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