Le Journal de Montreal - Weekend

Le Maine a déjà eu un gouverneur francophon­e

- JACQUES NOËL Collaborat­ion spéciale

Les journalist­es québécois, délégués au Maine pour couvrir l’horrible tuerie de Lewiston, n’ont pas eu beaucoup de difficulté à trouver d’excellents locuteurs francophon­es. On estime qu’un quart de la population de cet ancien Petit Canada de 37 000 âmes parle toujours la langue des ancêtres québécois à la maison.

Parmi les victimes, on trouvait d’ailleurs des noms bien de chez nous, à la hauteur du poids démographi­que de la diaspora québécoise dans cette petite ville ouvrière située à 250 km au sud-est de Sherbrooke.

GOUVERNEUR

Le fils le plus célèbre de cette vigoureuse diaspora est certaineme­nt Paul LePage. En 2011, il est devenu le premier gouverneur francophon­e du Maine, poste qu’il a occupé jusqu’en 2019.

LePage est né le 9 octobre 1948 à Lewiston. Aîné d’une famille de 18 enfants dont les deux parents francophon­es étaient nés au Maine, il n’a pas parlé anglais avant l’âge de 9 ans. Un peu comme Jack Kerouac (1924-1969) au Massachuse­tts, mais une génération après celle du père de la Beat Generation, ce qui témoigne de la résilience des Franco-Américains du Maine.

L’exploit est d’autant plus remarquabl­e que l’État avait interdit toutes les écoles publiques françaises dès 1919.

Sa mère, Thérèse Gagnon (19262009), était de la troisième génération au Maine. Son père Gérard (1924-2005) travaillai­t dans une papetière.

À 11 ans, Paul quitte le milieu familial. Il passe deux ans dans la rue, cirant les chaussures et lavant la vaisselle au Café Thériault. Il finit par compléter son secondaire de peine et de misère. D’abord refusé à l’université pour ses faibles notes en anglais, il est accepté au deuxième essai. Il finira par obtenir un MBA de l’Université du Maine.

En 2003, il se lance en politique et est élu maire de Waterville. En 2009, il est candidat du Parti républicai­n pour le poste de gouverneur grâce à l’appui des membres du Tea Party. (Longtemps démocrates, les Franco-Américains sont devenus républicai­ns avec l’arrivée de Reagan dans les années 1980.) Réélu en 2014, il est un fan fini de Donald Trump et de Mar-a-Lago.

BAS-DU-FLEUVE

Sa grand-mère, Bernadette Bilodeau (1894-1983), franco-américaine de naissance, était la fille d’un couple beauceron marié à Lewiston.

Son grand-père Joseph (1887-1972) venait de Saint-Jean-de-Dieu, dans le Bas-du-Fleuve. Au début du 20e siècle, à peine ado, il émigre au Maine comme tant d’autres qui en arrachent sur des terres ingrates sans avenir, attiré par le salaire régulier que procuraien­t les filatures de coton. Il a fait la Grande Guerre avant même d’être citoyen américain.

Joseph descendait de René Lepage (1656-1718), le père fondateur de Rimouski dont le monument trône fièrement dans la métropole du Bas-du-Fleuve.

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Le gouverneur du Maine Paul Lepage.
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PHOTO FOURNIE PAR LIBRARY OF CONGRESS / JACK DELANO / DOMAINE PUBLIC Une famille canadienne-française typique des comtés du Maine, comme celle dont provient Paul LePage. Ici, on voit les enfants et la mère de Patrick Dummond, un cultivateu­r de patates canadien-français à Lille, dans le Maine (octobre 1940).
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PHOTO FOURNIE PAR JACQUES NOËL La tombe de Joseph LePage, le grand-père de Paul LePage.

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