Le Journal de Montreal - Weekend

IL Y A 110 ANS , Louis Hémon mourait sous un train

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ Journalist­e Le Journal de Montréal

Le 8 juillet 1913, Louis Hémon est tué par un train à Chapleau, Ontario, dans des circonstan­ces qui demeurent nébuleuses 110 ans plus tard, faute de témoins. Il laisse derrière lui une oeuvre impression­nante et méconnue dont le premier « best-seller » de la littératur­e française, Maria Chapdelain­e.

Ce roman, écrit par un baroudeur français de 32 ans en rupture de ban avec son milieu bourgeois d’origine (son père était un ami de Victor Hugo), connaît en effet une carrière magistrale à une époque où les nouveautés littéraire­s font rarement la fortune de leur auteur.

Écoulé depuis à plus de 20 millions d’exemplaire­s et traduit en 25 langues,

Maria Chapdelain­e sera adapté pour la scène, le cinéma, la télévision, le roman graphique et la bande dessinée. Mais Hémon n’en saura rien, car les premiers chapitres sont publiés après sa mort. Quand l’éditeur Grasset lance une première monographi­e officielle après quelques éditions pirates, le court roman obtient un succès colossal.

SEUL « MUSÉE LITTÉRAIRE »

« Je l’ai relu récemment et j’ai découvert une oeuvre riche où une femme tient un rôle central, ce qui n’était pas très courant à l’époque », commente au Michèle Tremblay, directrice générale du Musée Louis-Hémon de Péribonka, au nord du lac Saint-Jean.

Seul et unique musée littéraire agréé du Québec, cet établissem­ent culturel où s’arrêtent de nombreux cyclistes partis faire le tour du lac sur la célèbre Véloroute des Bleuets connaît une nouvelle jeunesse. En plus des espaces complèteme­nt rénovés et adaptés aux meilleures conditions d’exposition dans l’« Espace Péribonka » qui inclut l’église, le musée intègre la maison qui a accueilli Hémon en 1912.

À l’issue d’un tour de force technologi­que qui comportait des défis de conservati­on à cause de son statut de monument patrimonia­l classé par Québec, le bâtiment a été déplacé sur 5 km à l’hiver 2020 jusqu’au village.

Journal

CHEZ LES COUREURS DES BOIS

Difficile d’imaginer que Louis Hémon n’avait pas dans ses plans de s’arrêter au Québec quand il met le cap vers l’Ouest canadien en 1912 après avoir écrit d’innombrabl­es nouvelles et tenu des chroniques sportives à Londres où une femme, Lydia O’Kelly, tombe enceinte de lui à la grande honte de sa famille.

C’est un homme d’Église rencontré dans le transatlan­tique qui le convainc de faire un détour par le pays des bleuets. Il franchit, à pied, la distance entre Montréal et Roberval et pousse encore plus loin son aventure dans les épinettes noires. C’est chez l’agriculteu­r Samuel Bédard qu’il dépose sa valise.

Avec son calepin, il note comme un ethnologue les us et coutumes des familles tricotées serrées du terroir où la religion et l’hiver tiennent les premiers rôles. Après un hiver d’arpentage en pleine forêt, il quitte la maison Bédard et loue une chambre d’hôtel de Saint-Gédéon. C’est là qu’il rédige d’un trait son quatrième roman.

Le texte est envoyé dans une enveloppe en France et c’est grâce au reçu de la poste trouvé dans la poche de la victime du train de Chapleau qu’on l’identifie. Quand Maria Chapdelain­e trouve ses premiers lecteurs dans le journal Le Temps, son auteur est déjà mort...

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PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL (DIVISION DES ARCHIVES) La ferme de Samuel Bédard (inspiratio­n du père de Maria, Samuel Chapdelain­e) où l’auteur a séjourné en 1912.
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terminée en latin) sont les premiers mots du roman Maria Chapdelain­e, publié chez Grasset en 1916.
PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL (DIVISION DES ARCHIVES) Ite Missa est (La messe est terminée en latin) sont les premiers mots du roman Maria Chapdelain­e, publié chez Grasset en 1916.
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Louis Hémon fumant la pipe en 1911.
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Quelques-unes des traduction­s de Maria Chapdelain­e
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