Le Journal de Montreal - Weekend

UN FAIBLE POUR LA CHINE

Le journalist­e Jean-François Lépine vient de publier Les angoisses de ma prof de chinois, son troisième livre. Il n’y avait donc pas meilleure occasion pour lui poser plein de questions sur ses choix de lecture.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Avec quel roman avez-vous récemment passé un excellent moment ?

Avec un livre qui s’intitule Le roi et l’horloger, d’Arnaldur Indridason. Je ne connaissai­s pas cet auteur islandais. Il nous plonge dans une situation particuliè­re, qui s’est déroulée au Danemark au XVIIIe siècle : le roi Christian VII, qu’on prenait pour fou, a été mis au ban de la famille. Et ici, on le verra se lier d’amitié avec un horloger islandais chargé de restaurer une horloge très spéciale. J’ai apprécié l’atmosphère de ce romanlà. Moi, j’aime bien le dépaysemen­t. Quand j’étais journalist­e, je lisais toujours un roman du pays où j’allais.

Quel autre roman vous a vraiment séduit cette année ?

Dans son silence d’Alex Michaelide­s. C’est le premier roman d’un auteur originaire de Chypre et il est difficile d’en parler sans trop en dire… En gros, ça raconte l’histoire d’une femme qui est enfermée depuis des années dans un institut psychiatri­que. Elle vit dans un monde qu’elle a construit artificiel­lement et l’intrigue tourne autour d’un meurtre. C’est un livre extraordin­aire, parce que l’histoire va se révéler complèteme­nt autre dans les dernières pages.

Dans votre bibliothèq­ue, quel livre semble avoir le plus de vécu ?

Celui que j’ai trimballé dans tous mes appartemen­ts et dans toutes mes maisons : Ni Dieu ni Maître : anthologie de l’anarchisme. J’ai été séduit à l’époque par le courant de philosophi­e politique en Europe, le courant anarchiste. Ni Dieu ni Maître est un super beau recueil de grands textes d’anarchiste­s, et c’est un peu mon livre fétiche, car c’est aussi le reflet de ma pensée : moi, je n’ai ni dieu ni maître.

Vous fréquentez la Chine et les Chinois depuis 40 ans. Avez-vous un roman issu de ce pays à nous conseiller ?

Oui, Brothers de Yu Hua, un roman portant sur toute la perturbati­on que vient de connaître la Chine. C’est l’histoire de deux frères. Le premier, Li Guangtou, est un être sans morale et opportunis­te. L’autre, Song Gang, est quelqu’un de beaucoup plus droit. Mais il va être détruit par la Révolution culturelle. Il ne faut pas oublier que jusqu’à tout récemment, 80 % de la Chine était paysanne… J’ai été diplomate en Chine pendant six ans et pour moi, c’est un grand livre chinois contempora­in.

Il y aurait aussi Beaux seins, belles fesses de Mo Yan, qui a reçu en 2012 le prix Nobel de littératur­e. Là encore c’est une saga qui traverse le XXe siècle. Les écrivains contempora­ins font beaucoup de thérapie à travers la littératur­e !

Quels ont été vos gros, gros coups de coeur au cours de ces dernières années ?

√ Je vais rester un peu dans l’univers chinois. Il y a un livre qui a été écrit par un journalist­e espagnol possédant une connaissan­ce de la Chine extraordin­aire. Il s’agit de Lecteur de cadavres d’Antonio Garrido. Ça se passe au XIIIe siècle et la descriptio­n historique est absolument magnifique. Son héros, un jeune homme capable d’expliquer de quoi les gens sont morts, nous entraîne dans la police scientifiq­ue de l’époque. C’est un grand, grand roman d’intrigue. √ Récemment, j’ai aussi découvert Qiu Xiaolong, un écrivain chinois de roman policier qui vit maintenant aux ÉtatsUnis. J’ai bien aimé De soie et de sang, qui se déroule dans l’histoire contempora­ine chinoise. Le commissair­e qui enquête est assez particulie­r !

√ Il y a aussi un livre qui vient de sortir et qui s’intitule La femme au dragon rouge de J.R. Dos Santos. Ce n’est pas un très grand livre en termes de scénario et d’intrigue, mais l’auteur a fait un travail inouï pour exposer le drame que vivent les Ouïghours de la province chinoise du Xinjiang. Tout ce qu’il raconte se base sur des faits réels et a été documenté. À la fin de son livre, il consacre d’ailleurs à peu près 10 pages pour expliquer comment il a fait ses recherches.

√ Je termine avec l’excellente trilogie de l’écrivain égyptien Naguib Mahfouz, qui commence avec Impasse des deux palais et se poursuit avec Le palais du désir et avec Le jardin du passé.

En 1988, quand il a reçu un prix Nobel de littératur­e, j’ai eu la chance d’aller le voir au Caire pour faire tout un reportage sur lui. Ça a été une rencontre exceptionn­elle.

Tous genres confondus, est-ce qu’il y a un autre livre dont vous aimeriez parler ?

Je ne connaissai­s pas Louise Penny et je viens de lire son dernier roman, Un monde de curiosités. J’ai beaucoup aimé ça. C’est un bon roman bien ficelé sur le monde de l’art et de la peinture.

Que comptez-vous lire prochainem­ent ?

Le monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain. C’est une bande dessinée intellectu­elle qui s’est vendue à plus d’un million d’exemplaire­s. Mon beau-frère, qui est très préoccupé par l’avenir, m’a dit : « Il faut que tu lises ça. » Si on n’arrête pas de progresser dans notre consommati­on hystérique, on s’en va vers la ruine, on s’en va vers la fin…

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