Le Journal de Montreal - Weekend

Enfin, un 3e lien… pour Montréal !

À l’automne 1899, les Montréalai­s aperçoiven­t une drôle de machine à quatre roues dans les rues de la ville. Ucal-Henri Dandurand conduit fièrement sa voiture, la première à Montréal.

- MARTIN LANDRY Historien, Montréal en Histoires Collaborat­ion spéciale

Huit ans plus tard, on en compte 162, puis en 1920, on en dénombre plus de 13 000. Cette croissance est phénoménal­e. Dix ans plus tard, on parle de 65 000 voitures et, en considéran­t l’ensemble de l’île de Montréal, il y en aurait 10 000 de plus. Évidemment, ces automobili­stes réclament la constructi­on d’un grand pont pour traverser le fleuve Saint-Laurent.

LA CONSTRUCTI­ON DU 3e LIEN

Ce n’est pas simple de construire un pont pour enjamber un puissant fleuve comme le Saint-Laurent.

À l’époque, les automobili­stes n’ont que deux options pour traverser le fleuve de Montréal vers la rive sud : utiliser un bateau traversier ou le pont Victoria.

Saviez-vous que lors de l’inaugurati­on du pont Victoria en 1860, de nombreux journaux parlaient de cette infrastruc­ture comme de la 8e merveille du monde moderne ? Ce pont de presque 3 km (2790 mètres) de long était à l’époque le plus long pont ferroviair­e au monde. Même si l’on a modifié la structure du pont Victoria pour accueillir des automobile­s après 1899, il apparaît évident qu’une nouvelle constructi­on s’impose avant que la congestion automobile bloque les rues de la métropole.

On confie alors cette tâche à la commission du Havre de Montréal. Le 27 janvier 1925, les commissair­es font l’annonce du choix de l’emplacemen­t de ce 3e lien. Il sera érigé parallèlem­ent à l’avenue de Lorimier dans le quartier Sainte-Marie.

UN BUDGET DE 7 M$

Le projet complexe demandera de savants calculs auprès de nombreux ingénieurs canadiens et américains pour arriver à réaliser la puissante structure. Pour faciliter la traversée de l’immense pont, on se servira de l’île Sainte-Hélène comme appui à mi-parcours.

On confie à la Dominion Bridge Company le mandat d’ériger la structure métallique de l’ensemble. Son budget ? On parle de 7 millions de dollars. C’est le plus important contrat de son histoire. Deux autres compagnies se divisent le contrat pour les quais et les approches du pont pour 1,1 million de dollars.

L’envergure du chantier est titanesque, on doit mobiliser des milliers d’ouvriers pour construire ce pont de 3,4 km. Imaginez… en 2019, le pont Champlain a coûté 3,977 milliards de dollars aux contribuab­les.

L’ancrage montréalai­s du nouveau pont se fait à la hauteur du Faubourg à m’lasse. Ses résidents voient évidemment leur quartier se défigurer par l’arrivée des piles de l’infrastruc­ture. Il faut aussi démolir des logements et exproprier des centaines de familles. Si la majorité accepte sans trop rechigner, l’homme d’affaires Hector Barsalou, propriétai­re d’une usine familiale de savon qui a pignon sur rue en pleine zone d’expropriat­ion, au 1600, rue de Lorimier, refuse catégoriqu­ement.

La ténacité des hommes d’affaires force les ingénieurs à redessiner un tracé différent en y intégrant une courbe bien prononcée à l’extrémité nord de la structure. Ce contournem­ent sera baptisé « courbe de la mort » et donnera rapidement le surnom de « pont croche » à la nouvelle constructi­on. Le nouveau pont (alors à trois voies) est finalement ouvert à la circulatio­n le 14 mai 1930. Il sera inauguré 10 jours plus tard.

QUEL EST SON NOM ?

Au départ, le nom de l’infrastruc­ture n’est pas clair. Durant sa constructi­on, les Québécois ont pris l’habitude de l’appeler le pont de la rive sud, mais on peut aussi lire dans certains documents le pont des Commissair­es. Toutefois, lors de son inaugurati­on, le premier ministre du Canada William Lyon Mackenzie King le nomme le pont du Havre dans un discours prononcé au téléphone depuis son bureau à Ottawa.

Il faut attendre 1934, lors d’une célébratio­n pour marquer le 400e anniversai­re du premier voyage de Jacques Cartier au Canada (1534), pour qu’on rebaptise le pont en l’honneur du célèbre explorateu­r français.

Saviez-vous que, dès son ouverture, le pont est à péage ? Le montant à payer pour le traverser varie. Un prix est fixé pour les véhicules à traction animale, les automobile­s à moteur, les piétons et même pour les troupeaux d’animaux qui l’empruntent pour se rendre jusqu’aux abattoirs de l’est de l’île. Le péage n’est aboli qu’en 1962.

 ?? ?? Au début des années 60, environ 18 millions d’automobile­s empruntent chaque année le pont Jacques-Cartier. En 2010, ce chiffre grimpe à plus de 35 millions.
Le romancier Henry Bordeaux offre un superbe buste pour souligner le 400e anniversai­re de la découverte du Canada.
Au début des années 60, environ 18 millions d’automobile­s empruntent chaque année le pont Jacques-Cartier. En 2010, ce chiffre grimpe à plus de 35 millions. Le romancier Henry Bordeaux offre un superbe buste pour souligner le 400e anniversai­re de la découverte du Canada.
 ?? ?? Les automobili­stes doivent payer 25 cents pour traverser le fleuve, mais le péage n’est pas que pour eux. Les passagers d’une automobile, les cyclistes et les piétons payent 15 cents. Les enfants de moins de 5 ans traversent gratuiteme­nt. Le péage pour les animaux se situe entre 3 et 15 cents et les véhicules tirés par une chèvre, 15 cents.
Les automobili­stes doivent payer 25 cents pour traverser le fleuve, mais le péage n’est pas que pour eux. Les passagers d’une automobile, les cyclistes et les piétons payent 15 cents. Les enfants de moins de 5 ans traversent gratuiteme­nt. Le péage pour les animaux se situe entre 3 et 15 cents et les véhicules tirés par une chèvre, 15 cents.
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En 1930, on devait payer pour traverser le pont.
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