Le Journal de Montreal - Weekend
TOUT LE PLAISIR DE L’ÉTRANGE
ROMANS D’ICI Ouvrir Cartes postales d’outremonde, c’est comme piger dans une jolie boîte remplie de chocolats variés. Que du délice !
Le nouvel ouvrage de Stanley Péan, auteur prolifique, est un concept en soi. Il s’agit d’un recueil de nouvelles élaborées à partir de 35 illustrations de Jean-Michel Girard.
Du coup, le livre se transforme en séduisant objet tant les illustrations accrochent l’oeil. Elles reproduisent l’esthétique aussi pulpeuse que chatoyante des magazines populaires des années 1950. La typographie bien nette, déposée sur un papier glacé, renforce le sentiment d’un livre conçu pour faire plaisir.
Ne reste plus qu’à plonger dans les nouvelles. Et, bonheur !, elles ont le goût des histoires étranges d’autrefois. Il est question d’extraterrestres, d’épouses vengeresses, de zombie, de robe maudite, de berceuse enchantée…
Les titres de chapitres sont en eux-mêmes une promesse : Le secret, Si par un soir d’orage, Au bout du couloir, Blanche comme la nuit…
Stanley Péan explique en pages liminaires qu’il souhaitait livrer un recueil de 35 récits pour marquer les 35 ans de la parution de son tout premier livre. Ce faisant, il voulait témoigner « de ce que j’ai appris sur l’art de la nouvelle en trois décennies et demie ».
De fait, son expérience lui permet de livrer des histoires bien ramassées, qui donnent envie de passer à la suivante sitôt la lecture de l’une terminée. Il lui suffit de quelques phrases pour nous faire passer d’un univers à l’autre – des routes désertes jusqu’à un CHSLD ! On se promène aussi beaucoup : le Chemin du Roy, les Laurentides, Montréal, Old Orchard, Londres, Paris…
LIENS ENTRE LES RÉCITS
Le pari de Péan était de se laisser inspirer par les illustrations de Girard. Plus on avance, plus on devient donc curieux de voir ce qu’il va en tirer. Chaque histoire se tient toute seule, mais peu à peu on voit des liens se dessiner entre les récits et des personnages revenir. Comme un jeu de pistes à suivre.
Stanley Péan recourt à des thèmes classiques, comme l’invasion des soucoupes volantes, si prégnante dans la culture populaire, mais il fait aussi preuve d’originalité. Il en est ainsi de cette héroïne de bandes dessinées à la recherche des auteurs qui l’ont créée !
L’actualité nourrit également l’imagination de l’auteur. Le mouvement Moi aussi (#MeToo) est au centre du texte Alea jacta est, avec une finale bien envoyée.
De même, plusieurs nouvelles font état du racisme vécu par les Noirs américains. Dans Sauve qui peut ,la trame s’appuie carrément sur le fil historique des attentats racistes. La peur, ici, n’a rien d’imaginaire.
Des nouvelles sont plus souriantes – épinglant par exemple notre dépendance à la technologie – ou très tendres, comme le texte Au-delà des montagnes dont l’illustration sert de couverture à ces Cartes postales d’outre-monde.
Et puisqu’il s’agit de Stanley Péan, spécialiste du domaine, un air de jazz se fait entendre dans plusieurs récits. Le plaisir est décidément complet.