Le Journal de Montreal - Weekend

Le cerveau, cet inconnu

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Le cerveau, quel sujet à la fois passionnan­t et mystérieux. Mystérieux parce qu’on ne le voit pas et qu’il agit dans le plus grand silence. « Nous, mammifères humains, dit en préface le professeur Richard Dawkins, sommes pris dans une querelle récurrente, une empoignade entre le vieux cerveau reptilien, qui pilote inconsciem­ment la machine à survivre, et le néocortex mammifère, en quelque sorte installé au-dessus dans le siège du pilote. » Ainsi, nous serions sans cesse tiraillés entre, d’une part, nous laisser régir par ce qui nous a conduits jusqu’ici, la sélection naturelle, et, d’autre part, le désir d’« un avenir où règne l’intelligen­ce et sa soif de comprendre le monde ».

« Comment le cerveau humain engendre-t-il l’intelligen­ce des humains ? » se demandent les chercheurs en neuroscien­ces. Que se passe-t-il dans notre tête lorsque nous pensons et agissons ? Malgré de nombreuses découverte­s importante­s, nous en serions encore aux balbutieme­nts pour rassembler toutes les pièces de ce casse-tête géant qu’est le cerveau, cette masse d’un peu plus de deux kilos qui flotte en suspension dans notre tête.

L’auteur de cet ouvrage passionnan­t dirige, dans la Silicone Valley, une équipe de chercheurs qui étudie une partie du cerveau, le néocortex — environ 70 % du cerveau humain — « responsabl­e de tout ce qu’on associe à l’intelligen­ce ; cela va de notre sens de la vision, du toucher et de l’ouïe à la pensée abstraite qui constitue les mathématiq­ues ou la philosophi­e en passant par le langage sous toutes ses formes ». Seuls les mammifères en sont dotés. Or, il n’existe, à ce jour, aucune théorie complète du cerveau.

Ce que nous savons du monde, nous avons dû l’apprendre petit à petit. Ces connaissan­ces se trouvent entreposée­s dans notre néocortex, à l’aide de référentie­ls qui nous aident à réfléchir et à planifier.

« Certaines de nos facultés élémentair­es, comme manger ou éviter la douleur, sont déterminée­s par nos gènes. Mais l’essentiel de ce que nous savons du monde est acquis. » Nous avons appris, au fil du temps, un nombre infini de choses sur notre milieu de vie, la ville où nous habitons, le monde en général. Nous connaisson­s tous, en moyenne, quarante mille mots, sans parler du langage écrit, celui des mathématiq­ues, celui de la musique. Tous ces éléments sont liés à des souvenirs et à des interactio­ns nous concernant. Tout le contraire d’un ordinateur où il suffit de télécharge­r un fichier.

NEURONES ET CELLULES

Il y aurait, dans notre cerveau, une lutte constante entre le néocortex et les parties plus anciennes du cerveau. La respiratio­n, par exemple, relève du cerveau ancien, car le néocortex n’est relié à aucun muscle. Certaines régions du néocortex sont chargées de la vision, de l’ouïe, du toucher et du langage. « Certaines, moins faciles à étiqueter, sont chargées de la pensée de haut niveau et de la planificat­ion. […] Toute pensée ou expérience vécue est toujours le fruit de l’activité simultanée d’un ensemble de neurones. »

Et nos souvenirs sont emmagasiné­s à l’aide des synapses, qui constituen­t les connexions entre nos neurones.

Pour pouvoir fonctionne­r dans le monde autour de nous, nous orienter dans l’espace, il nous faut des cellules grilles et des cellules de lieu. « Les premières créent un référentie­l pour préciser les emplacemen­ts et planifier les mouvements. Mais il faut aussi des informatio­ns ressenties, représenté­es par les cellules de lieu, pour associer les intrants sensoriels aux emplacemen­ts du référentie­l. »

« Qu’est-ce qui nous distingue de nos cousins primates ? » peut-on se demander. C’est justement nos fonctions cognitives supérieure­s. Si le singe peut voir et entendre tout comme nous, il ne peut pas utiliser un langage complexe, fabriquer des outils complexes comme l’ordinateur, ni raisonner sur des notions comme l’évolution, la génétique ou les droits humains, nous dit le scientifiq­ue. C’est ce qu’on nomme l’intelligen­ce.

« Nous pouvons employer notre intelligen­ce à imaginer un avenir meilleur puis agir pour réaliser l’avenir que nous souhaitons, conclut Hawkins. Mais rien ne dit que le cerveau ancien ne viendra pas tout gâcher. » C’est dans cette optique qu’on cherche à fonder une colonie humaine sur une autre planète, comme Mars par exemple, quitte à modifier notre ADN. Des robots intelligen­ts, dotés de néocortex, pourraient pendant des centaines d’années y oeuvrer à la rendre habitable. Ce dernier chapitre est certaineme­nt le plus excitant.

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UNE NOUVELLE THÉORIE DE L’INTELLIGEN­CE Jeff Hawkins Éditions MultiMonde
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