Le Journal de Montreal - Weekend
MON PÈRE, CE ROCKEUR
Consciente que son père n’est pas immortel, Virginie Francoeur, la fille du célèbre poète et rockeur Lucien Francoeur, a senti l’urgence de lui consacrer un film dans lequel elle se permet de lui poser des questions qui lui brûlaient les lèvres depuis longtemps.
Vie rock’n’roll, démons intérieurs, problèmes de drogue, bonheur de la paternité... À 75 ans, Lucien Francoeur, pionnier de la contre-culture québécoise, se confie avec une touchante sincérité dans Francoeur : on achève bien les rockers, un documentaire coréalisé par sa fille, Virginie, et Robbie Hart.
« J’ai toujours voulu faire ce film-là sur mon père, mais là, il y avait une urgence de le faire parce qu’il a eu quelques problèmes de santé récemment, explique en entrevue Virginie Francoeur. Une équipe de production était déjà intéressée à faire un film sur lui et c’est mon père qui nous a mis en contact. Comme je suis sa fille unique, j’étais la seule à pouvoir raconter son histoire comme ça. Parce que ce film-là, c’est aussi une quête personnelle. »
Lucien Francoeur n’a pas encore eu la chance de voir le film, qu’il découvrira à la première montréalaise, dans quelques jours. A-t-il des appréhensions sur ce qu’il verra à l’écran ?
« Ça ne me fait pas peur, parce que c’est ma fille qui est en charge de ça, confie le poète-rockeur. Je sais qu’elle ne va pas choisir des scènes qui me dévalorisent ou qui ne sont pas à mon avantage. Avec elle, je suis en confiance. »
ROAD TRIP
Le fil narratif du film est un road trip que Virginie et Lucien Francoeur se sont offert l’an passé en Californie. À bord d’une Mustang décapotable, Lucien et sa fille ont parcouru la mythique route 101 entre Los Angeles et San Francisco, sur les traces de la littérature d’Henry Miller et de la poésie de Jim Morrison.
« Quand il s’est assis dans la Mustang, c’est comme si je mettais un 25 cents dans le juke-box : il a tout de suite commencé à raconter des histoires fascinantes ! » relate en riant Virginie Francoeur, qui gagne sa vie comme professeure de gestion du changement à Polytechnique.
« La Californie a toujours été quelque chose de précieux pour mon père et pour sa poésie. Ses chansons ont été influencées par cette américanité-là. Quand j’étais petite, on avait l’habitude d’y aller en famille parce que mes grands-parents se sont installés là-bas. En retournant en Californie avec mon père, je voulais qu’il renoue avec ses mythes de création, mais je voulais aussi nourrir notre imaginaire et retourner dans ces lieux de mon enfance. »
Or, le voyage a bien failli ne pas avoir lieu. Quelques semaines avant la date de départ, Virginie Francoeur a retrouvé son père couché par terre dans son appartement, apparemment victime d’une surdose d’héroïne.
« Quand il nous a donné cette frousselà avant de partir, on s’est demandé si on le montrait dans le film », explique Virginie Francoeur.
« Mais moi, je voulais faire un film qui serait vrai et authentique. On ne pouvait pas juste montrer les bons côtés de mon père. Tout le monde sait qu’il a eu une vie rock’n’roll. Ça faisait partie du film et ça faisait partie de l’urgence de le faire. À certains moments pendant le tournage, on s’est demandé s’il allait être capable de le finir. Aujourd’hui, je suis vraiment fébrile de savoir qu’on va pouvoir regarder le film ensemble. »
MULTIPLES FACETTES
Poète, rockeur (et chanteur du mythique groupe Aut’Chose), animateur de radio, rappeur, professeur de littérature au cégep... Lucien Francoeur a porté plusieurs chapeaux pendant sa carrière. Dans son film, Virginie Francoeur a essayé de montrer les multiples facettes de son père, en récoltant des témoignages de plusieurs artistes qui ont traversé sa vie, dont sa femme (et mère de Virginie), Claudine Bertrand, Michel Barrette et Biz.
« Je voulais montrer l’artiste, le père, l’ami, l’amoureux... Ç’a été un gros défi de rassembler tout cela dans le même film parce que mon père a eu une vie très éclatée », conclut Virginie Francoeur.
Francoeur : on achève bien les rockers prend l’affiche le 8 décembre.