Le Journal de Montreal - Weekend

Rimouski a-t-elle été bombardée ?

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

Rimouski a-t-elle été bombardée ? Mais alors par qui ? Voilà les questions que se posent les historiens après la découverte de deux « boulets creux » remplis de poudre à canon sous un pont de la rivière Rimouski le 9 août 2023.

Journalist­e

Le Journal de Montréal

« Il s’agit de deux obus de fonte de près de dix pouces de diamètre et pesant 38 kilos chacun, qui sont actuelleme­nt sous analyse au Laboratoir­e d’archéologi­e du Québec », explique Ghislain Gagnon, l’un des trois archéologu­es à l’emploi du ministère québécois du Transport et de la Mobilité durable.

C’est à lui qu’ont été confiés les deux artefacts extrêmemen­t rares – on en connaît un seul complet semblable dans les collection­s québécoise­s – qui ont été retrouvés par deux employés de Constructi­on Polaris CMM, lors des travaux de réfection du pont de la route 132.

ODEUR DE POUDRE

En raison de leur taille et de leur forme, les objets expurgés du lit de la rivière ne sont pas de simples boules de métal, mais des engins explosifs. Un peu comme les « bombes à fragmentat­ion » qu’on retrouve aujourd’hui dans l’arsenal militaire, les obus de ce type sont conçus pour exploser avant d’atteindre le sol et causer un maximum de dégâts. Les structures contiennen­t en effet une bonne quantité de poudre explosive traversée par une fusée contenant une mèche enflammée.

« C’est une technologi­e qui a été utilisée pendant plus d’un siècle et demi par l’armée britanniqu­e », reprend M. Gagnon qui signale que la valeur historique des objets vient entre autres du fait qu’ils étaient en excellente condition. Au point où ils dégageaien­t encore une odeur de poudre à canon ! L’armée canadienne a d’ailleurs été appelée à les neutralise­r à sa base de Valcartier.

Les collection­s d’objets archéologi­ques comptent de nombreux fragments de ces bombes, mais une seule provenant du Monastère des Récollets a été identifiée comme étant complète au Québec, dans les collection­s de la Ville de Québec.

Comme il s’agit de projectile­s explosifs, on comprend que l’exhumation de deux obus intacts au même endroit tient presque du miracle !

Dès que la découverte a été rendue publique au cours de l’automne, les médias ont laissé entendre que les artefacts dataient du siège de Québec.

DES HYPOTHÈSES

Jusque-là, Rimouski ne semblait pas avoir été la cible des conquérant­s, mais une lettre du marchand Charles Aubert de La Chesnaye relate que « plusieurs coups de canon » ont été tirés les 16 et 17 juin 1759 dans la région.

« Que ces obus proviennen­t de tirs britanniqu­es cette année-là, c’est possible, mais ce n’est qu’une hypothèse », souligne l’archéologu­e du ministère.

Le fait qu’ils aient été trouvés l’un à côté de l’autre met toutefois un doute sur cette possibilit­é.

Il se pourrait que des individus, pour une raison qu’on ignore, aient simplement jeté les objets du haut du pont.

Mais alors, pourquoi contenaien­t-ils de la poudre ? Chaque hypothèse soulève son lot de questions !

Le rapport d’expertise, prévu pour la fin de l’année 2023, pourrait nous en apprendre davantage.

« Mais il se pourrait que le mystère demeure à jamais », prévient Ghislain Gagnon.

 ?? ?? Durant le siège de Québec en 1759, dans la nuit du jeudi 28 juin, des brûlots sont lancés par les Français contre la flotte anglaise dans le Saint-Laurent.
Chaque « boulet creux » de l’époque de la Conquête porte une signature particuliè­re. Celui-ci mesure 9 ¾ pouces et était tiré par un canon de 10 pouces. Excessivem­ent rares aujourd’hui dans leur intégralit­é, ces boulets étaient utilisés couramment au 18e siècle.
Durant le siège de Québec en 1759, dans la nuit du jeudi 28 juin, des brûlots sont lancés par les Français contre la flotte anglaise dans le Saint-Laurent. Chaque « boulet creux » de l’époque de la Conquête porte une signature particuliè­re. Celui-ci mesure 9 ¾ pouces et était tiré par un canon de 10 pouces. Excessivem­ent rares aujourd’hui dans leur intégralit­é, ces boulets étaient utilisés couramment au 18e siècle.
 ?? ?? Gaspard-Joseph Chaussegro­s de Léry fait référence à la lettre que Charles Aubert de La Chesnaye lui a envoyée le 18 juin 1759.
Gaspard-Joseph Chaussegro­s de Léry fait référence à la lettre que Charles Aubert de La Chesnaye lui a envoyée le 18 juin 1759.
 ?? ??
 ?? ?? Charles Aubert de La Chesnaye
Charles Aubert de La Chesnaye
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada