Le Journal de Montreal - Weekend
NOTRE HISTOIRE À TRAVERS L’HISTOIRE DE CEUX QUI L’ONT MARQUÉE
C’est d’abord une histoire qui débute le 3 février 2015, celle de l’historien Éric Bédard qui entreprend un « show de télé » (c’est son expression) pour faire connaître, à travers la voix et l’expérience de spécialistes et autres exégètes, les principaux personnages de notre histoire. Personnages mal connus ou oubliés. Une histoire qui se termine huit ans plus tard, le 9 mai 2023, après 58 émissions qu’auront suivies 25 000 personnes en salle, tandis que 150 000 autres les auront regardées sur le site web officiel de cette programmation.
Depuis quelques années, le genre « biographie », longtemps déprécié par les historiens, est revenu à la mode. C’est ainsi qu’on a pu lire celles de personnages marquants de notre paysage littéraire et politique comme Gabrielle Roy, Saint-Denys Garneau, Honoré Beaugrand, Louis-Joseph Papineau, Gaston Miron, Daniel Johnson, René Lévesque, Olivar Asselin, Jacques Parizeau, Yves Michaud, Guy Rocher et même le cardinal Léger.
C’est un genre très riche, raconte Éric Bédard, parce que « la biographie fournit beaucoup de connaissances, surtout si l’auteur s’est informé du contexte politique et culturel de l’époque à laquelle évolue son personnage ».
Les personnages marquants dont il est question ici ne sont pas nécessairement des héros ou des modèles, mais ce sont toutefois « des êtres emblématiques de certains moments de notre histoire », comme Maurice Duplessis ou Marie de l’Incarnation.
Ils sont en tout 59 personnages, mais dans ce premier tome, il est surtout question de ceux et celles – 13 en tout – qui ont bâti quelque chose : « un site français permanent dans la vallée du Saint-Laurent (Samuel de Champlain), une oeuvre sociale indispensable (Marie de l’Incarnation, Marguerite Bourgeoys, Marguerite d’Youville), une population solidement enracinée sur un territoire (les Filles du Roy), une Église omnisciente (Ignace Bourget), un écosystème scientifique (Marie-Victorin), une profession (Charlotte Tassé, Lionel Groulx), des canons littéraires (Gabrielle Roy, Gaston Miron), un parti politique indépendantiste à même de prendre le pouvoir (René Lévesque) ».
Qui de mieux placé que le savoureux Denis Vaugeois, conteur hors pair, pour ouvrir le bal et nous entretenir de Samuel de Champlain, « le personnage le plus important de l’histoire de la Nouvelle-France, notamment parce qu’il a jeté les bases d’alliances franco-autochtones dès 1603 à Tadoussac, préalable qui facilitera ensuite les explorations vers le nord et vers l’ouest, à la recherche d’un passage en direction de la Chine ».
LE MOUVEMENT EST LANCÉ
C’est en 1603 que naît la Nouvelle-France, dit Vaugeois, avec la « tabagie de Tadoussac ». Un grand festin – nourriture et tabac – auquel participe Champlain en compagnie du grand sagamo Anadabijou et une centaine de Montagnais. La tradition d’offrir un bon cigare à son invité de marque date sans doute de cette époque où les Amérindiens offraient à leurs hôtes de fumer du tabac.
Champlain « aura lancé un vaste mouvement d’exploration et de peuplement de l’intérieur du continent », conclut l’historien et ex-ministre.
Douze autres personnages sont ensuite présentés : l’Ursuline
Marie de l’Incarnation, fondatrice du premier couvent d’enseignement féminin d’Amérique ; Marguerite Bourgeois, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame, qui ouvrira la première école à Montréal ; les Filles du Roy, qui, au nombre de 764, de 1663 à 1673, seront envoyées pour peupler la colonie et sauveront « la Nouvelle-France du naufrage » ; La Vérendrye (père et fils), qui verront de loin les « Rocheuses » de l’Ouest canadien, mais ne les franchiront pas ; Marguerite Bourgeois, fondatrice des Soeurs de la Charité (ou soeurs grises) de l’Hôpital général de Montréal et surnommée la « mère de la charité universelle » ; Ignace Bourget, cet évêque qui permit à la nation canadienne-française de s’affirmer et d’exister à sa façon face à un Canada-Uni qui cherchait sa disparition ; Lionel Groulx, « ce penseur nationaliste parmi les plus influents du XXe siècle ; Marie-Victorin, né Conrad Kirouac, frère des Écoles chrétiennes, fondateur du Jardin botanique de Montréal et auteur de la Flore laurentienne ; Charlotte Tassé, garde-malade canadienne-française et importante figure de solidarité ; et finalement la romancière Gabrielle Roy ; le journaliste et fondateur du Parti Québécois René Lévesque ; et le poète national Gaston Miron.
On attend avec impatience la suite.