Le Journal de Montreal - Weekend

TOUT PEUT BASCULER

ROMANS D’ICI Quel impact peut avoir le détail qui dérape dans une vie ordinaire ? Dix-huit nouvelles décortique­nt ce grand basculemen­t.

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Martine Latulippe a signé une longue liste de romans jeunesse : une centaine sur plus de 25 ans d’écriture. À quoi s’ajoutent des incursions en littératur­e pour adultes.

Mais elle l’avoue elle-même : elle a un faible pour les recueils de nouvelles. En conclusion de son plus récent, Ma maison, et ce qu’il y a dedans, elle explique pourquoi : en quelques pages, en quelques mots,

« surprendre le lecteur par un retourneme­nt final ».

Et ses personnage­s de prédilecti­on ont tous le même profil : quelqu’un

« qui vit son petit quotidien tranquille, et qui soudain voit tout basculer ». Chacun pourra s’y reconnaîtr­e.

Cette identifica­tion fait la force des nouvelles présentées – notamment celle qui donne son titre au recueil, sur les dessous d’un incendie. Ou encore celle intitulée « Trouver le monstre ». Son dénouement est prévisible, pourtant elle reste longtemps en tête en raison du climat instauré et parce qu’on se met dans la peau de cette universita­ire qui suit des cours le soir.

Néanmoins, les histoires les plus accrocheus­es mettent de l’avant des personnage­s particulie­rs. Ainsi du jeune silencieux de la nouvelle « Le libraire et l’enfant » ou de la ministre narratrice du surprenant « Le prix du désir ». Les conséquenc­es de l’inattendu sont plus frappantes dans certains contextes !

L’autrice aime les récits policiers et elle en explore plusieurs aspects dans ce recueil. Elle y ajoute toutefois de simples récits de vie d’une grande humanité. La nouvelle « Un aéroport, quelque part », où l’on suit un homme seul, pourrait être d’une grande tristesse. Latulippe donne au contraire un sens de l’observatio­n si généreux à son personnage qu’il s’en dégage de la sérénité.

TOUT PEUT CHAVIRER

Et puis, Martine Latulippe nous invite à mieux décrypter le monde qui nous entoure. Deux nouvelles s’en font directemen­t l’expression. Dans « Sur le mur », en moins de trois pages, elle met en lumière ce qu’il faut retenir du cimetière grisâtre jeté sur une toile. Elle « ne montre pas la joie devant un but compté », ou « une danse improvisée dans le salon », et pourtant ces moments-là y sont.

La même jubilation est à l’oeuvre dans la nouvelle « Quelques secondes ». Le narrateur est un migrant, heureux d’être bien accueilli, mais conscient du regard suspicieux que plusieurs jettent sur lui.

Mais s’ils connaissai­ent leur chance, s’ils comprenaie­nt le goût unique de l’orange qu’une fillette lui a un jour tendu durant son dangereux périple jusqu’ici…

Savoir savourer ce que l’on a, avoir conscience que tout peut chavirer en un claquement de doigts, voilà le beau message que ces nouvelles traduisent.

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224 pages
MA MAISON, ET CE QU’IL Y A DEDANS Martine Latulippe Druide 224 pages
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