Le Journal de Montreal - Weekend
UN BRILLANT NESBØ
Éclipse totale, le nouveau roman de l’écrivain norvégien Jo Nesbø, est un bon cru. Très bon, même. À dévorer sans modération.
Est-ce que le chiffre 13 porte malheur ? Une question qui se pose pour Éclipse totale, car, dans ce 13e volet de la série qui lui est consacrée, l’exinspecteur Harry Hole a vraiment atteint le fond du baril. Il est même allé se terrer à Los Angeles pour pouvoir boire tranquille jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pas très joyeux comme programme, quoi.
« Pour moi, trouver le moyen de ramener de l’espoir et de la lumière dans la vie de Harry a d’ailleurs été le plus gros défi, explique Jo Nesbø, qu’on a pu joindre pendant qu’il était en vacances dans une petite île non loin de la Turquie. Au début de l’histoire, il a quand même la ferme intention de mettre fin à ses jours ! Il fallait donc qu’il y ait une sorte de transition entre le moment où il tient à en finir et celui où il va se donner une raison de vivre. Et cette transition n’a pas été facile à faire ! »
Dans le petit bar de Laurel Canyon où il se rend tous les matins, Harry va ainsi faire la connaissance de Lucille Owens, une vieille actrice plutôt sympathique qui a un très puissant motif de noyer ses problèmes dans l’alcool : elle doit pas moins de 960 000 $ à une bande d’escrocs mexicains. Et si elle ne les rembourse pas dans les plus brefs délais, il n’est pas très dur de deviner ce qui l’attend.
Mais heureusement pour elle, Harry va décider de s’en mêler.
À NOUVEAU EN SELLE
« C’est la personne avec qui je pars faire de l’escalade qui m’a donné l’idée de ce nouveau roman, précise Jo Nesbø. On était alors en Thaïlande et dans la jungle, on a vu beaucoup d’insectes assez effrayants ! C’est là qu’elle a commencé à parler des poux de langue, des poux qui s’installent dans la bouche des poissons, qui mangent leur langue et qui finissent même par la remplacer ! Ça m’a fasciné. J’ai pensé aux relations humaines et au fait que parfois, il était difficile de dire qui est le parasite et qui est l’hôte ! Ça a été le point de départ de l’histoire. »
Pour en revenir à Harry, il va accepter de retourner en Norvège, où un magnat de l’immobilier est prêt à payer ce qu’il faut (à savoir 960 000 $) afin de s’attacher ses services. L’homme a en effet besoin du meilleur détective qui soit pour prouver qu’il n’a rien à voir avec les meurtres particulièrement sauvages de deux jeunes femmes. Il a peut-être couché avec elles à quelques reprises, mais les tuer ? Bien sûr que non !
Sauf que pour le prouver, Harry va devoir travailler fort. D’autant plus qu’il n’a devant lui que 10 petits jours. Passé ce délai, si les escrocs mexicains n’ont pas récupéré leur fric, la vie de Lucille ne vaudra plus très cher…
LONGUE VIE À HARRY
« On pourrait penser qu’après toutes ces années, je me serais lassé d’écrire des histoires mettant en scène Harry Hole, souligne Jo Nesbø. Pourtant, ce n’est absolument pas le cas. En vieillissant, je me suis aperçu que je m’intéressais davantage à mes vieux amis qu’à mes nouveaux amis. Je ne sais pas si ça a à voir avec l’âge, mais on se rend compte à un moment donné qu’il y a tant de choses dans l’être humain, qu’il est plus intéressant d’apprendre à mieux connaître les gens qu’on fréquente déjà. Entre autres parce que creuser en profondeur demande du temps, beaucoup de temps. Il se passe un peu la même chose avec le personnage d’Harry Hole. Pour moi, il est plus intéressant aujourd’hui qu’il ne l’était en 1997, lorsque le premier tome de la série est sorti. »
Résultat des courses, la série est loin d’être terminée. Et pour celles et ceux qui se le demandent, oui, il est tout à fait possible de lire Éclipse totale sans avoir lu les précédents opus. C’est un excellent cru et comme la plupart des bons vins, il peut être dégusté tout seul !