Le Journal de Montreal - Weekend

KARL TREMBLAY

UN DERNIER TOUR DE PISTE MÉMORABLE Il était condamné, son corps tenait avec de la broche, mais jusqu’au bout de ses forces, il a tenu à monter sur scène.

- – Cédric Bélanger

À moins que vous ayez passé toute l’année qui s’achève dans une grotte sans accès à internet, vous savez très bien quel artiste a le plus marqué l’actualité culturelle au Québec en 2023.

L’extraordin­aire courage dont a fait preuve Karl Tremblay a permis à des centaines de milliers d’admirateur­s des Cowboys Fringants de chanter et danser, l’été dernier, lors d’une poignée de concerts qui se sont tous transformé­s en immense déclaratio­n d’amour d’un peuple aux porte-voix d’une génération.

En se présentant droit comme un chêne et fier pour chanter aux côtés de son amoureuse Marie-Annick Lépine et de ses amis Jean-François Pauzé et Jérôme Dupras, contre l’avis de son propre médecin, Karl Tremblay a non seulement ému aux larmes les Québécois, il a cimenté la place des Cowboys Fringants à titre de groupe le plus populaire/important de l’histoire de la musique au Québec.

Même si des concerts ont été annulés en raison de ses traitement­s de chimiothér­apie, encore deux mois avant son décès, survenu le 15 novembre, il chantait Les étoiles filantes au Festival western de Saint-Tite.

L’APOTHÉOSE SUR LES PLAINES

Ce mémorable dernier tour de piste a connu son apothéose le 17 juillet, sur les plaines d’Abraham, au Festival d’été de Québec, devant 90 000 personnes.

D’abord annulé quatre jours plus tôt en raison du mauvais temps, ce concert a eu droit à une seconde chance quand le festival, pour la première fois de son histoire, a décidé d’ajouter une journée à l’événement.

Cette ultime communion sur ce lieu mythique entre les Cowboys Fringants, un Karl Tremblay affaibli, mais à l’attitude de guerrier, et le public restera à jamais gravée dans l’histoire culturelle du Québec.

Tout à coup, les textes doux-amers des chansons du groupe prenaient un tout autre sens. Pendant que Karl Tremblay, étranglé par l’émotion, s’y reprenait à deux reprises pour commencer à chanter Ici-bas, personne n’était dupe.

Tout en se refusant à y croire, on réalisait, les yeux humides, qu’un grand nous préparait à sa sortie.

MAGNIFIQUE

Jamais, cependant, il n’a cédé au fatalisme. Quand il a hurlé « ensemble, on n’a peur de rien » pendant le refrain de Sur mon épaule, assis sur une chaise pour économiser son énergie, tout un peuple a été émerveillé par son désir de se battre, de profiter au maximum du temps qui lui restait.

À cet instant, les plaines d’Abraham étaient illuminées par des dizaines de milliers de téléphones cellulaire­s et chantaient avec son Karl d’une seule voix.

Une image magnifique, un moment magique, un au revoir d’anthologie.

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