Le Journal de Montreal - Weekend

MARIE DEMERS DÉNOUE DES TRAUMATISM­ES

- MARIE FRANCE BORNAIS

L’écrivaine Marie Demers a habitué ses lecteurs à l’autofictio­n depuis des années, leur offrant des romans percutants comme In

Between et Les désordres amoureux. Cette année, elle franchit un pas de plus dans l’exploratio­n de ce genre littéraire avec l’intention de dénouer et de démonter certains des traumatism­es et patterns qui l’ont freinée dans son développem­ent. C’est ce qu’elle fait, de façon crue et sans compromis, dans Les détourneme­nts.

Dans ce nouvel ouvrage, qui ne fait pas dans la dentelle, Marie Demers montre qu’elle est arrivée à un moment charnière de sa vie, à un tournant, où il faut mettre fin à ce qui l’empêche d’avancer.

Elle fait des liens entre les blessures d’adulte et celles de l’enfance, décrit des relations amoureuses tumultueus­es, des désillusio­ns au sujet de la vie familiale, les nombreux obstacles qui jalonnent sa vie profession­nelle. Tout en cherchant ce qui va l’aider à garder le goût de vivre, en faisant une profonde introspect­ion, elle fait le ménage.

En entrevue, Marie Demers explique cette étape difficile, mais nécessaire, dans son parcours d’écrivaine.

« À un moment donné, dans le livre, je dis qu’un des plus grands drames de ma vie, c’est de sentir que je ne me sens pas vue. »

« Pour moi, il y a quelque chose d’un peu égocentriq­ue et narcissiqu­e dans le désir de vouloir être vue pour qui je suis. Pas pour une version embellie, parce que je ne pense pas présenter une version embellie du tout, mais quand même une version qui est honnête, qui est au plus proche de ma vérité. Celle qui prend tout ce qu’il y a de laid, avec ce qu’il y a de beau, et qui en fait un package nuancé malgré tout. »

MOMENTS DE DOUTE

L’écriture a été difficile. « À un moment donné, la forme épouse le fond. Je parle de la famille. Je fais des liens entre les relations amoureuses et la famille. Les deux derniers chapitres, ça a été assez dur pour que je me dise : je ne serai pas capable d’écrire ça. Ça a été vraiment tough et il y avait évidemment des moments de lumière, comme chaque fois qu’on écrit. J’ai eu des gros moments de doute, à me dire : pourquoi je m’inflige ça ? »

Marie Demers ajoute que l’écriture était de l’ordre du besoin. « Si je n’écrivais pas ce roman-là, je ne sais pas si j’aurais pu continuer à écrire. »

Il fallait qu’elle se déleste d’un poids. « J’expose ma thérapie, là-dedans. Mais en même temps, je n’ai pas encore envie d’avoir un discours sur la littératur­e comme outil de réparation. Il y a quelque chose de cathartiqu­e dans l’écriture d’un livre, mais ça ne règle rien. Le chemin se fait en amont et après. »

LA FIN DE LA TRENTAINE

L’écriture est très contempora­ine et reflète le vécu d’une femme de 37 ans qui a frappé un mur.

« La dépression profonde a été l’élément déclencheu­r. Être dans un état d’inertie, où je ne suis plus capable de rien faire. Un niveau de délabremen­t dégoûtant, humiliant, à la limite. »

Elle était passée, ajoute-t-elle, « d’une personne ultra-efficace, qui court tout le temps d’une affaire à l’autre, qui essaie d’être bonne au travail, de voyager, d’avoir des accompliss­ements, de lire les livres, d’aller au théâtre… D’être tout le temps en train de penser au prochain accompliss­ement sans jamais savourer le moment. De s’étourdir, aussi. Le point charnière, c’est que j’étais rendue au bout de mes détourneme­nts. »

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PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS HURTUBISE LES DÉTOURNEME­NTS Marie Demers Éditions Hurtubise 346 pages

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