Le Journal de Montreal - Weekend

ÉMILIE FRÈCHE DÉCRIT LA FIN ABRUPTE D’UN COUPLE

Inspirée d’un fait divers qui l’a profondéme­nt émue, l’écrivaine et scénariste française Émilie Frèche a imaginé la destinée d’un couple de publicitai­res flamboyant­s, typique des années 1980, dans son nouveau roman.

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Les amants du Lutetia, roman troublant, relate ce que vit une femme dont les parents se sont suicidés dans une luxueuse chambre d’un grand hôtel parisien. Elle est confrontée à plusieurs questions : ont-ils pensé à elle et aux conséquenc­es traumatisa­ntes de leur geste ?

Éléonore apprend que ses parents, Ezra et Maud Kerr, se sont enlevé la vie dans une chambre du Lutetia. Publicitai­res célèbres, qui ont mené la grande vie dans les années 1980 et contrôlé leur petit univers de luxe.

Ensemble, ils ont aussi convenu de planifier leur propre fin, leurs funéraille­s extravagan­tes et le legs compliqué de leur maison. Éléonore découvre tout au fur et à mesure… et c’est loin d’être facile à vivre.

LOURDES ÉMOTIONS

Émilie Frèche, en entrevue téléphoniq­ue, aborde avec justesse et délicatess­e ce sujet difficile, chargé de lourdes émotions.

« J’ai découvert en 2013 dans la presse l’histoire d’un couple qui était venu mourir au Lutetia, dans les mêmes conditions qu’Ezra et Maud. Et je me suis tout de suite dit : oh là, là… mais qui sont ces gens ? Ça m’a tout de suite interpellé­e, fascinée. J’ai vu, comme tout le monde, leur histoire d’amour avant de voir leur mort. L’amour qu’ils se portaient l’un à l’autre. Je m’étais dit qu’un jour, j’écrirais là-dessus. »

Elle a laissé passer trois ou quatre ans, le temps de trouver une porte d’entrée, le moyen de raconter l’histoire.

« Je pense qu’il a fallu un incident très personnel : une rupture avec mes propres parents, qui a été très douloureus­e pour moi. Ils ont disparu de ma vie du jour au lendemain. »

« Et je me suis dit que j’avais trouvé le moyen de raconter cette histoire : je vais la raconter à travers le regard de leur fille unique. Et je vais pouvoir être au plus juste sur la vérité sensible de ce personnage. »

SUJET PRÉOCCUPAN­T

Émilie Frèche voulait aussi, en parallèle, raconter l’époque dans laquelle on vit. « C’est vrai que le droit à mourir dans la dignité, c’est un sujet qui nous occupe beaucoup d’un point de vue société. Je me suis dit que c’était intéressan­t d’aller, dans un roman, aborder une question que la société n’aborde jamais : quand quelqu’un choisit l’instant de sa mort, quel est l’effet, quelle est la déflagrati­on pour son entourage familial ? »

L’autrice a vécu des moments bouleversa­nts pendant l’écriture. « J’ai collé à la peau de mon personnage, à ce sentiment d’être abandonnée. Ce qui est difficile, c’est de ne pas savoir, de ne pas avoir été mise dans la confidence. Les amants du Lutetia, eux, n’étaient pas malades. Ils avaient peur de le devenir. Et ils avaient peur aussi que l’un parte avant l’autre : ils avaient peur de se séparer, parce qu’ils avaient passé toute leur vie ensemble. »

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LES AMANTS DU LUTETIA Émilie Frèche Éditions Albin Michel Environ 300 pages
PHOTOSFOUR­NIESPARLES­ÉDITIONSAL­BINMICHEL LES AMANTS DU LUTETIA LES AMANTS DU LUTETIA Émilie Frèche Éditions Albin Michel Environ 300 pages

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