Le Journal de Montreal - Weekend
LES DÉFIS DES ENFANTS DE MILITAIRES
Autrice sensible et dévouée, Amy Lachapelle raconte, avec des mots bien choisis, la vie de famille quand un parent est militaire dans son nouvel album jeunesse, Maman Kaki. Ouvrage touchant, poétique, magnifiquement illustré par Karina Dupuis, Maman Kaki explore un thème peu travaillé en littérature jeunesse… qui touche pourtant beaucoup de familles. Les départs, les retours, les longues absences, la vie quotidienne en attendant le retour d’une personne qu’on aime : la vie est teintée par une réalité bien différente.
Avec beaucoup de tendresse et d’empathie, Amy Lachapelle raconte l’histoire d’une enfant dont la mère, militaire, part en mission pour plusieurs mois. On la suit dans ses doutes, ses appréhensions, ses peurs.
Pour cette petite fille, la guerre n’est pas seulement une réalité lointaine perçue à travers l’écran de télévision : elle est directement concernée.
Le texte dépeint, avec les mots qu’il faut, les émotions vives vécues lors de l’annonce d’un déploiement à l’étranger. Les doutes. Les craintes. La peur. La réorganisation du quotidien. L’attente. La solitude profonde et silencieuse, lourde à porter sur de petites épaules.
LA RÉALITÉ
Conjointe de militaire et bellemère de quatre enfants, Amy Lachapelle connaît très bien cette réalité, qu’elle a pu observer au quotidien. Elle voulait parler aussi de la peur que les parents partent.
« Mon chum n’a pas fait de gros déploiements depuis que je suis avec lui. Mais il en a déjà fait un. Ça se prépare. Il faut que tu en parles. Les enfants vivent beaucoup de peurs, de craintes. Il faut que tu les rassures. Même si, parfois, ce ne sont pas des missions dangereuses, ils savent que leurs parents font un métier qui a quand même un risque. »
Pour les familles, la situation devient rapidement complexe.
« Quand le parent part en déploiement, tu ne peux pas l’appeler quand tu veux pour lui parler. C’est pas comme ça que ça se passe. »
Amy Lachapelle trouvait qu’on ne parlait pas assez de ces sujets. « Cette histoire, ça fait quand même longtemps que j’avais envie de l’écrire. Je cherchais la bonne formule pour le faire. Je ne voulais pas que ce soit bébé, je voulais que ce soit accessible pour une bonne tranche d’âge. Je pense que le récit poétique est une bonne formule pour ça. »
Le grand défi d’écriture pour Maman Kaki était d’arriver à saisir l’essence de la situation et de se lancer dans le récit poétique.
« Je la portais vraiment en moi, cette histoire. D’habitude j’écris à l’ordinateur, mais cette fois, la première version, je l’ai écrite à la main. C’était vraiment comme des fragments d’histoires. »
RÉCONFORT
Le texte est chargé d’émotion et Amy Lachapelle montre d’autres personnages qui peuvent apporter du réconfort : le papa, les amis, le personnel de l’école, l’entourage.
« C’est vraiment une étape difficile pour un enfant. J’ai habité dans un milieu militaire pendant plusieurs années, sur la base de Petawawa. Je voyais les amis des enfants. Les enfants me disaient que tel ami, son père est parti, ou sa mère est partie. C’est un sujet qui était récurrent à la maison. Je voyais aussi comment les enfants, juste à l’idée que ça pourrait arriver à leur père de partir, ça les troublait. »
Amy Lachapelle note que tout l’entourage est concerné.
« Les parents du militaire s’inquiètent aussi beaucoup pour leur enfant qui part en mission. Moi, comme conjointe, j’ai toujours craint qu’il m’annonce qu’il part en mission, parce que je ne saurai pas comment gérer ça. C’est beaucoup. Tout ce mélange d’émotions, je le fais passer par l’enfant, dans ce livre. »