Le Journal de Montreal - Weekend

FÊTER ET S’ÉVADER POUR MIEUX FAIRE LE POINT

Fêter et s’évader permet de se déconnecte­r de nos préoccupat­ions, mais aussi de se reconnecte­r à nos aspiration­s et de faire de meilleurs bilans personnels.

- DR FRANÇOIS RICHER Neuropsych­ologue et professeur à l’UQAM

Dans le quotidien, notre agenda, nos obligation­s et nos habitudes sont de puissants pilotes automatiqu­es. Nos préoccupat­ions immédiates prennent beaucoup de place. Elles s’expriment par des idées intrusives récurrente­s qui envahissen­t nos pensées spontanées, remplissen­t nos conversati­ons et empiètent sur notre sommeil.

Nos urgences font taire nos petites voix plus faibles, nos désirs, nos rêves et nos intuitions positives qui nous font apprécier, explorer et partager des expérience­s.

Nous ne sommes pas qu’une machine cognitive visant à résoudre des problèmes dans une liste infinie de priorités imposées. Nous sommes aussi un animal sensible avec des besoins et désirs multiples qui peine à nous exprimer dans tout ce tourbillon de stimulatio­n.

SE DÉCONNECTE­R ET SE RECONNECTE­R

Les fêtes permettent de sortir de soi-même, de se déconnecte­r de ses réflexes et de ses préoccupat­ions. Mais aussi de se reconnecte­r à soi-même, de se retrouver.

Comme un bouton « Reset », faire la fête sert entre autres à faire taire de nombreuses idées intrusives qui polluent notre esprit.

Fêter active un cocktail d’émotions, dont la joie de se retrouver et de ranimer des attaches affectives ou encore l’euphorie de célébrer ou de vivre une expérience spéciale. Ces émotions produisent des molécules de bien-être (opioïdes, ocytocine) et d’excitation (adrénaline, dopamine).

En plus, fêter réduit nos hormones de stress, ce qui atténue notre évaluation des problèmes, leur niveau d’urgence ainsi que la taille des efforts et de la détresse que nous anticipons.

Fêter produit aussi un effet d’évasion un peu comme la lecture, les films ou les jeux. L’évasion a pour effet de réorienter notre attention et nos pensées spontanées vers de nouveaux thèmes et de nouveaux intérêts.

Nous nous rappelons qu’il existe autre chose que notre réalité quotidienn­e.

Tous ces brassages réduisent nos préoccupat­ions dominantes en baissant l’intensité des boucles émotions-pensées-émotions qui les maintienne­nt. Quand notre conscience est moins monopolisé­e par les urgences, nos intuitions nous permettent de nous reconnecte­r à nous-mêmes.

Nous augmentons notre sensibilit­é à des émotions ou à des valeurs qui s’expriment moins souvent comme la sympathie ou l’espoir.

Les échanges bienveilla­nts et les expérience­s enrichissa­ntes nous rappellent ce qui nous fait du bien. Nous nous sentons soutenus, en sécurité, en paix et moins démunis que d’autres personnes.

POUR MIEUX FAIRE LE POINT

Quand nous nous déconnecto­ns de nos préoccupat­ions quotidienn­es et que nous nous reconnecto­ns à nous-mêmes, nos bilans personnels sont moins négatifs. Si on en croit l’actualité, tout va mal et la tendance n’est pas bonne.

Si l’on se fie à nos préoccupat­ions et à nos problèmes quotidiens, il y a beaucoup d’obstacles, de souffrance­s et de frustratio­ns en vue.

Cependant, tous les bilans sont subjectifs et dépendent de notre capacité de penser à un aspect ou à un autre de la réalité.

La déconnexio­n des fêtes permet de prendre du recul et de faire le point à partir d’intuitions plus positives, alignées sur nos désirs et nos valeurs plutôt que sur nos urgences du moment.

Notre imaginatio­n prend de l’expansion. Le verre peut nous paraître un peu plus plein ou au moins nous entrevoyon­s plus facilement ce qui pourrait améliorer les choses.

Nous pouvons nous permettre de rêver à nos désirs plus profonds et trop souvent enfouis, mais aussi à des objectifs personnels et des résolution­s ou encore à un monde meilleur.

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