Le Journal de Montreal - Weekend

DE JEUNES TRANS EN FAMILLE D’ACCUEIL

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Écrivaine transgenre vivant présenteme­nt en Finlande, Sophie Labelle propose une incursion émouvante dans la réalité des adolescent­es et des adolescent­s qui se retrouvent en famille d’accueil, dans son nouveau roman jeunesse, En coup de vent. Son personnage principal, Émilie, a 16 ans. Elle est transgenre et habituée de ne pas prendre trop de place : elle a déjà vécu dans sept familles d’accueil différente­s. Pour une fois, une nouvelle famille la reçoit à bras ouverts.

Émilie a l’habitude de se faire discrète. Elle ne veut pas déranger. Elle ne demande rien. Elle ne veut pas être redevable à qui que ce soit le jour où, inévitable­ment, elle devra partir. Tel un oiseau de passage, elle s’arrête pendant quelque temps… sans tisser trop de liens, car le jour des adieux arrivera assez vite.

Un jour, son intervenan­te lui apprend qu’elle lui a trouvé un nouveau foyer. Elle déménage une fois de plus. Et cette fois, les personnes qui l’accueillen­t sont transgenre­s comme elle et décidées à lui prouver qu’elle a sa place chez eux.

Sophie Labelle, jointe en Autriche alors qu’elle participai­t au Salon du livre de Vienne, commente avec joie son nouveau roman, En coup de vent. Elle y explore le quotidien des ados qui vivent dans des familles d’accueil et le quotidien des jeunes personnes trans, leur résilience, leur capacité d’adaptation.

LIVRE TRÈS PERSONNEL

« C’est mon cinquième roman en cinq ans. J’ai un bon rythme ! Je trouve ça drôle que beaucoup de gens me disent que ce sont des thèmes qui sortent de l’ordinaire alors que pour moi, ça a été vraiment le plus personnel que j’ai écrit », dit Sophie Labelle.

« J’ai indéniable­ment utilisé des personnage­s et des situations avec lesquels je suis familière. Les intervenan­ts en famille d’accueil et tout ça, c’est des choses que j’ai vécues étant donné que mes frères et moi avons été un peu barouettés par la DPJ. »

La rencontre de plusieurs familles d’accueil LGBTQ+ lui a aussi permis d’établir un cadre très réaliste pour le roman.

« Étant donné que je voyage beaucoup à cause de mon travail, j’ai rencontré des gens avec des bagages différents, avec des situations familiales différente­s également », explique l’écrivaine.

« Ces jeunes trans/gais qui se retrouvent à la rue, qui se retrouvent dans le système des familles d’accueil, vont souvent, comme Émilie, se retrouver à aller d’un foyer à l’autre sans que personne ne veuille les adopter. C’est assurément quelque chose que j’ai vu fréquemmen­t et c’est ce qui m’a donné le goût d’en parler. »

PROCESSUS DE GUÉRISON

Sophie Labelle précise que son roman ne se veut pas « pédagogiqu­e » par rapport aux personnes trans.

« Les gens ne vont pas trouver des réponses à leurs questionne­ments sur les personnes trans dans ce livrelà. Mais la beauté de la chose, c’est que c’est vraiment important pour moi, dans un processus de guérison. »

« Ce qui me motive à écrire, c’est vraiment de créer des histoires dans lesquelles les jeunes LGBTQ+ peuvent se reconnaîtr­e. La plupart des histoires qu’on voit à la télé, sur Netflix, name it, sont toujours dans le but de divertir ou d’éduquer des personnes qui ne sont pas LGBTQ+. »

ÊTRE PRÉSENT DANS L’IMAGINAIRE

Sophie Labelle ajoute que son but, dans son écriture, est de raconter des histoires qui permettent à ces jeunes de se reconnaîtr­e, sans se sentir observés, auscultés et jugés.

« Le point central de ma quête artistique, ce qui me motive, c’est de montrer à ces jeunes-là qu’il y a un monde qui existe. Un monde dans lequel ces jeunes n’auraient pas constammen­t à se justifier d’exister. Il devrait exister une littératur­e qui permette aux jeunes juste d’être présents, dans l’imaginaire, et d’exister. »

■ Sophie Labelle est bédéiste, conférenci­ère et autrice.

■ Elle a commencé en 2014 la bande dessinée en ligne Assignée garçon, qui compte plus de 39 000 abonnés sur sa page française.

■ Son oeuvre a depuis gagné une popularité internatio­nale.

■ Chez Hurtubise, elle a écrit la série Ciel ainsi que Am stram gram, finaliste au prix Tamarac 2022 et gagnant du prix Hackmatack 2023.

■ Elle est mariée à un Finlandais et vit en Finlande depuis six ans. Le couple va bientôt être parent.

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