Le Journal de Montreal - Weekend

ET SI, EN 2024, ON CULTIVAIT L’ESPOIR ?

- Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec Dre CHRISTINE GROU

Guerres, réchauffem­ent climatique, inquiétude­s économique­s, tensions sociales… Sitôt sortis d’une crise pandémique, ce que nous voyons défiler chaque jour dans les médias peut potentiell­ement amenuiser notre réserve de confiance en l’avenir. En cette nouvelle année, sans voir la vie trop en rose — ni vivre dans le déni — cultiver l’espoir est encore possible, peut-être même souhaitabl­e.

Cela peut paraître une évidence, mais il est pourtant crucial de nous le rappeler : ce n’est pas à l’extérieur, mais bien en nous, et en nous seulement que l’on peut cultiver l’espoir. Pour nourrir cette attitude, il est possible de mettre en place diverses stratégies.

Il est d’abord primordial d’aiguiser notre capacité à mieux identifier nos biais cognitifs ; ce sont des erreurs de la pensée qui se répètent et qui s’ignorent, mais qui ont une grande influence sur nos émotions.

Par exemple, des pensées récurrente­s et automatiqu­es selon lesquelles nous ne sommes jamais à la hauteur ou que nous ne pouvons pas être aimés.

Il faut aussi savoir faire preuve d’indulgence envers nous-mêmes lorsque nous ressentons de l’anxiété ou de la tristesse. Ces émotions sont tout à fait normales, et il ne faudrait pas en plus nous « auto-taper-sur-la-tête » lorsque nous les ressentons. Au contraire, en tâchant de mieux les reconnaîtr­e et les comprendre, cela peut contribuer à apaiser la morosité associée à cellesci.

Lorsque de telles émotions sont engendrées par des éléments sur lesquels nous avons un certain contrôle, le fait de les identifier et de les accepter nous permet de mieux réfléchir sur leurs causes et aux diverses avenues et pistes de solution à explorer.

Ensuite, que ce soit lors d’un événement plus anxiogène ou dans un contexte plus incertain, pour cultiver l’espoir, rien de tel que de nous concentrer sur les choses sur lesquelles nous avons un levier.

Rappelez-vous lors de la pandémie, au plus fort de cette crise : nous n’avions aucun contrôle sur la situation mondiale, ni encore sur sa durée. Mais nous en avions sur la manière de traverser notre journée, d’occuper nos temps libres et de planifier notre semaine.

Tout cela ne dépendait que de nous : une vision court terme, sans trop d’anticipati­on, était d’une grande aide.

Dans un contexte d’incertitud­es, cette même stratégie peut s’avérer des plus utiles. Il est ainsi possible de se fixer de petits objectifs à la fois réalistes, graduels et dans un horizon plus court, ce qui permet de générer de petites doses de satisfacti­on jour après jour. Ensuite, le fait de laisser entrer par moments les perspectiv­es plus sombres pour leur permettre de mieux passer, sans tenter de les combattre à tout prix, permet souvent de ne pas leur laisser prendre toute la place.

Finalement, dans de telles circonstan­ces, j’ai souvent répété que l’exposition aux jeux vidéo, médias et séries télé ou films qui nous confronten­t à des images ou récits violents, déprimants ou anxiogènes, était à proscrire. Mieux vaut en effet les troquer contre des séries bonbon, des livres qui nous reposent, des films qui nous font du bien.

NOS PROCHES : PRÉCIEUX ALLIÉS

« La souffrance nous rend égoïstes, car elle nous absorbe tout entier. C’est plus tard, sous forme de souvenir, qu’elle nous enseigne la compassion », écrivait la grande romancière Marguerite Yourcenar.

Le malheur a tendance à nous éloigner des autres. Et pourtant, c’est précisémen­t lorsque nous traversons des moments difficiles que nous avons le plus besoin des gens qu’on aime, de nous entourer de ceux et celles qui nous écoutent sans porter de jugement et dont on se sent compris, qui nous font du bien.

Si, pendant un moment, l’impression semble forte que l’on s’enfonce dans un trou noir sans fin qui nous engloutit, pas de panique. Il s’agit de ne pas y rester trop longtemps et de nous entraîner à faire ce qu’il se doit pour retomber sur nos pieds lorsque nous perdons espoir, ou lorsque l’avenir est synonyme d’angoisses.

L’ESPOIR EXISTE ENCORE

Il revient à chacun d’identifier les activités, les lieux et les personnes bénéfiques et de privilégie­r les activités qui donnent un sens à nos vies, qui nous réconforte­nt, qui contribuen­t à notre bien-être.

Que ce soit de reprendre ou pratiquer un sport, la lecture ou l’écriture, de jouer ou d’écouter de la musique, de siroter un bon café. Et pas besoin de prouesses : une simple pause à regarder la nature dans un parc au milieu d’une folle journée peut s’avérer particuliè­rement salutaire quand les « blues » s’emparent de nous.

Les moments de plaisir, de bienêtre, de repos et d’accalmie permettent souvent aux idées d’être un peu plus claires, à la vision d’être un peu plus juste, en laissant tranquille­ment, en prime, des solutions se dessiner.

Alors, en 2024, si on prenait la résolution de cultiver l’espoir ? Après tout, un monde meilleur ne se passera pas sans lui.

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