Le Journal de Montreal - Weekend

DE L’HUMOUR COMME MÉDECINE

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Le professeur d’océanograp­hie et humoriste Boucar Diouf nous revient avec Ce que la vie doit au rire, un nouveau livre à forte saveur autobiogra­phique. D’aussi loin qu’il se souvienne, raconte-t-il, il a toujours cherché à faire rire les gens autour de lui. Même le sérieux professeur et docteur en océanograp­hie ne peut s’en empêcher en classe, devant ses étudiants. Le rire est son outil pédagogiqu­e par excellence pour motiver ses étudiants et les garder éveillés dans les cours de biochimie.

Chaque cours, il leur présente une capsule humoristiq­ue sur le thème du jour. Ce sont d’ailleurs ses étudiants qui l’ont poussé à faire carrière dans le domaine de l’humour en l’inscrivant aux auditions régionales du Festival juste pour rire, de passage à Rimouski. « Cela allait changer ma vie, confie-t-il. J’ai commencé à écrire des numéros, à fréquenter les festivals d’humour et à présenter des spectacles privés sans abandonner l’enseigneme­nt. »

Dans la première partie de ce bel ouvrage illustré par Philippe Beha, c’est le « docteur » Diouf qui parle. Faisant de lui un Henri Bergson, il veut nous convaincre des vertus du rire sur la santé, physique et mentale. Et pour cela, il remonte aux origines de l’Homo Sapiens qui se déplace désormais sur ses deux jambes, libérant ainsi ses deux mains pour se défendre des prédateurs et pour créer toutes sortes de choses grâce aussi au cerveau, qui consomme près de 20 % de nos énergies.

Le rire, qui apparaît au troisième ou quatrième mois de notre existence – à ne pas confondre avec le sourire –, serait un baume, un pied de nez aux petits tracas quotidiens, une arme de résistance contagieus­e contre la déprime qui nous guette sans cesse, car notre cerveau serait assailli en permanence de deuils, de regrets, de chagrins, de petites morts « qui déstabilis­ent notre équilibre psychoaffe­ctif ». Oui, l’humain est un être tourmenté par l’idée de sa propre mort. « Cette conscience de notre propre date d’expiration a déterminé de grands pans de ce qui définit l’humanité. »

Dans sa quête du bonheur, l’humain est rongé par l’insatisfac­tion. C’est ce qui nous motive à bouger sans cesse, à changer de lieux, de maison, d’autos, de partenaire­s sexuels, à consommer le dernier gadget. Cette soif de changement, lorsque comblée, dope notre cerveau. Mais c’est toujours à recommence­r parce que nous n’avons pas réussi à dompter la mort. Les larmes et l’humour sont deux armes à la dispositio­n de l’humain. « Le rire, dit le proverbe, c’est comme les essuie-glaces : ça n’arrête pas la pluie, mais ça permet d’avancer quand même. »

PAS LE PROPRE DE L’HOMME

Quand on dit de quelqu’un qu’il a perdu le sourire, « c’est que son jus de vie est à son plus bas ». Mais il n’est pas prêt à « mourir de rire » pour autant, une expression qui tirerait son origine du décès du philosophe stoïcien Chrysippe de Soles dont on dit qu’il serait mort de sa propre plaisanter­ie, nous apprend Diouf. Or, le rire appelle le rire car le fou rire est communicat­if et bon pour le moral. À tel point qu’on a ouvert, à Montréal entre autres, des clubs du rire, où des gens vont se faire soigner par la rigolade.

Mais on aurait tort de croire que les humains sont les seuls animaux sur terre à pouvoir rire. Les grands singes, qui ont près de 98 % de ressemblan­ce génétique avec nous, gloussent et grimacent de plaisir lorsqu’on les chatouille. Les exemples abondent, dans les zoos ou en pleine nature, de chimpanzés riants et se jouant des tours « juste pour rire ».

On apprend également que les femmes seraient plus sensibles au rire que les hommes. « L’imagerie par résonance magnétique, ou IRM, a révélé à ces chercheurs que la drôlerie provoque une plus forte activation du cerveau des jeunes filles que de celui des garçons. […] C’est peut-être pour cette raison qu’un dicton soutient que “une femme qui rit est à moitié dans ton lit”. » (Expression machiste, précise Diouf !)

Dans la seconde partie de son ouvrage, Diouf résume son chemin d’intégratio­n à la culture québécoise, à travers diverses anecdotes humoristiq­ues. Quelle intégratio­n réussie ! Boucar Diouf fait désormais partie de notre panorama culturel. Rires garantis. La lecture de ce nouvel ouvrage du plus québécois des Sénégalais pourrait bien vous éviter une visite chez le médecin.

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CE QUE LA VIE DOIT AU RIRE Boucar Diouf Éditions La Presse
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