Le Journal de Montreal - Weekend

POURQUOI IGNORER NOS PROBLÈMES PEUT ÊTRE MALSAIN

Éviter d’affronter nos problèmes peut temporaire­ment réduire notre stress, mais si on en fait une habitude, fuir peut nous rendre anxieux et agressif.

- Neuropsych­ologue et professeur à l’UQAM DR FRANÇOIS RICHER

Les problèmes sur lesquels nous avons peu de contrôle (inflation, difficulté­s au travail, conflits, urgences) sont des sources importante­s de stress. Ils évoquent de l’anxiété et de la souffrance. Comme la douleur physique, la souffrance déclenche des réactions instinctiv­es qui visent à se défendre ou à s’enfuir.

À la longue, nous développon­s des stratégies d’adaptation aux situations stressante­s. Nous anticipons une complicati­on ou une frustratio­n et l’envie de rugir ou de passer à autre chose grandit dans notre cerveau.

Arrêter de penser à ce qui nous stresse apparaît souvent comme une solution attrayante. L’indifféren­ce permet de réduire nos émotions négatives, de réduire nos préoccupat­ions et de consacrer plus d’attention à nos besoins immédiats.

Mais souvent, les stress et les difficulté­s ne disparaiss­ent pas par miracle et la façon dont on y réagit peut faire une grande différence sur notre santé mentale.

À long terme, éviter nos enjeux stressants nous rend plus sensible ou intolérant au stress, ce qui entraîne plusieurs effets négatifs.

FUIR LES PROBLÈMES

Passer à autre chose nous fait procrastin­er et négliger des problèmes trop longtemps. L’évitement du stress nous fait reporter des conversati­ons ou des décisions difficiles, ce qui augmente nos préoccupat­ions et notre anxiété. Tenter de fuir ou d’oublier nos problèmes sociaux peut aussi nous rendre plus malheureux en nous isolant des autres, ce qui augmente notre anxiété.

Lors d’évènements traumatisa­nts, les personnes qui ont pris l’habitude d’ignorer leurs problèmes montrent plus d’intoléranc­e au stress et montrent plus de symptômes de stress post-traumatiqu­e comme des idées récurrente­s, des cauchemars ou des réactions émotionnel­les exagérées.

En plus, l’évitement favorise les comporteme­nts peu adaptés comme des habitudes de consommati­on ou d’abus de substances. Certains fument, d’autres boivent et ceux qui le peuvent se gâtent. Consommer nous apaise temporaire­ment, mais le besoin d’apaisement devient vite récurrent. Nos dépendance­s sont entretenue­s par notre anxiété et elles renforcent notre anxiété. Consommer par anxiété devient une compulsion difficile à résister.

Elle ne résout aucun problème et en crée de nouveaux, entre autres des problèmes de santé, de productivi­té ou d’adaptation sociale. L’abus de réconfort à chaque occasion stressante nous transforme en victime profession­nelle.

Finalement, parce qu’il amplifie l’intoléranc­e au stress, l’évitement nous rend souvent plus irritables et favorise la rumination, des pensées négatives récurrente­s (morosité, pessimisme, obstacles) qui s’amplifient avec la pratique. Ces effets peuvent augmenter le désespoir, mais aussi l’agressivit­é, les idées suicidaire­s et même les tentatives de suicide chez les personnes à risque.

Par exemple, un ado impulsif, isolé ou déprimé qui a développé une intoléranc­e au stress et une tendance à la rumination est plus à risque d’avoir des idées suicidaire­s.

Il est possible de faire face à nos problèmes et à nos peurs tout en nous protégeant.

SE PROTÉGER SANS FUIR

Nous pouvons nous traiter comme on le ferait avec un bon ami, avec bienveilla­nce. Nos anticipati­ons de souffrance sont souvent excessives et dans plusieurs situations, la souffrance peut être apprivoisé­e ou acceptée comme un signal visant à nous mobiliser.

Il faut ranimer notre confiance en soi et notre résistance aux efforts. Nous sous-estimons souvent nos compétence­s à affronter les réalités, à départager les voies possibles et à relativise­r les difficulté­s.

Arrêter de fuir et affronter nos enjeux favorise les intuitions positives. Nous nous sentons plus en contrôle. Nous pouvons mieux entrevoir les différente­s possibilit­és, ce qui nous donne de l’espoir.

S’exercer à affronter nos stress nous rend plus courageux et résilient. Rester connecté aux autres, penser aux moyens d’améliorer les situations et remplacer nos rumination­s par des solutions demande un peu d’énergie, mais ces investisse­ments apportent des satisfacti­ons bien plus élevées que la fuite et l’évasion.

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