Le Journal de Montreal - Weekend
POURQUOI IGNORER NOS PROBLÈMES PEUT ÊTRE MALSAIN
Éviter d’affronter nos problèmes peut temporairement réduire notre stress, mais si on en fait une habitude, fuir peut nous rendre anxieux et agressif.
Les problèmes sur lesquels nous avons peu de contrôle (inflation, difficultés au travail, conflits, urgences) sont des sources importantes de stress. Ils évoquent de l’anxiété et de la souffrance. Comme la douleur physique, la souffrance déclenche des réactions instinctives qui visent à se défendre ou à s’enfuir.
À la longue, nous développons des stratégies d’adaptation aux situations stressantes. Nous anticipons une complication ou une frustration et l’envie de rugir ou de passer à autre chose grandit dans notre cerveau.
Arrêter de penser à ce qui nous stresse apparaît souvent comme une solution attrayante. L’indifférence permet de réduire nos émotions négatives, de réduire nos préoccupations et de consacrer plus d’attention à nos besoins immédiats.
Mais souvent, les stress et les difficultés ne disparaissent pas par miracle et la façon dont on y réagit peut faire une grande différence sur notre santé mentale.
À long terme, éviter nos enjeux stressants nous rend plus sensible ou intolérant au stress, ce qui entraîne plusieurs effets négatifs.
FUIR LES PROBLÈMES
Passer à autre chose nous fait procrastiner et négliger des problèmes trop longtemps. L’évitement du stress nous fait reporter des conversations ou des décisions difficiles, ce qui augmente nos préoccupations et notre anxiété. Tenter de fuir ou d’oublier nos problèmes sociaux peut aussi nous rendre plus malheureux en nous isolant des autres, ce qui augmente notre anxiété.
Lors d’évènements traumatisants, les personnes qui ont pris l’habitude d’ignorer leurs problèmes montrent plus d’intolérance au stress et montrent plus de symptômes de stress post-traumatique comme des idées récurrentes, des cauchemars ou des réactions émotionnelles exagérées.
En plus, l’évitement favorise les comportements peu adaptés comme des habitudes de consommation ou d’abus de substances. Certains fument, d’autres boivent et ceux qui le peuvent se gâtent. Consommer nous apaise temporairement, mais le besoin d’apaisement devient vite récurrent. Nos dépendances sont entretenues par notre anxiété et elles renforcent notre anxiété. Consommer par anxiété devient une compulsion difficile à résister.
Elle ne résout aucun problème et en crée de nouveaux, entre autres des problèmes de santé, de productivité ou d’adaptation sociale. L’abus de réconfort à chaque occasion stressante nous transforme en victime professionnelle.
Finalement, parce qu’il amplifie l’intolérance au stress, l’évitement nous rend souvent plus irritables et favorise la rumination, des pensées négatives récurrentes (morosité, pessimisme, obstacles) qui s’amplifient avec la pratique. Ces effets peuvent augmenter le désespoir, mais aussi l’agressivité, les idées suicidaires et même les tentatives de suicide chez les personnes à risque.
Par exemple, un ado impulsif, isolé ou déprimé qui a développé une intolérance au stress et une tendance à la rumination est plus à risque d’avoir des idées suicidaires.
Il est possible de faire face à nos problèmes et à nos peurs tout en nous protégeant.
SE PROTÉGER SANS FUIR
Nous pouvons nous traiter comme on le ferait avec un bon ami, avec bienveillance. Nos anticipations de souffrance sont souvent excessives et dans plusieurs situations, la souffrance peut être apprivoisée ou acceptée comme un signal visant à nous mobiliser.
Il faut ranimer notre confiance en soi et notre résistance aux efforts. Nous sous-estimons souvent nos compétences à affronter les réalités, à départager les voies possibles et à relativiser les difficultés.
Arrêter de fuir et affronter nos enjeux favorise les intuitions positives. Nous nous sentons plus en contrôle. Nous pouvons mieux entrevoir les différentes possibilités, ce qui nous donne de l’espoir.
S’exercer à affronter nos stress nous rend plus courageux et résilient. Rester connecté aux autres, penser aux moyens d’améliorer les situations et remplacer nos ruminations par des solutions demande un peu d’énergie, mais ces investissements apportent des satisfactions bien plus élevées que la fuite et l’évasion.