Le Journal de Montreal - Weekend

Jeanne Mance a sauvé Montréal en 1653

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

Dans une lettre signée de sa main en 1653, Jeanne Mance s’est engagée à donner 22 000 livres (l’équivalent d’un million de dollars d’aujourd’hui) à Paul Chomedey de Maisonneuv­e pour qu’il puisse recruter « au moins cent hommes » et sauver la colonie montréalai­se, dont la survie était menacée. Journalist­e

Le Journal de Montréal

« C’est un élément fondamenta­l de l’histoire de Montréal qui nous est révélé dans cette lettre », signale le muséologue Paul Labonne, directeur général du Musée des hospitaliè­res de Montréal, qui a découvert cette lettre qui jette un nouvel éclairage sur les débuts de la colonie.

Par un concours de circonstan­ces qui tombe à point puisque son établissem­ent célèbre cette année le 350e anniversai­re du décès de la fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal, Jeanne Mance (1606-1673), il a mis la main sur des documents inédits qui ont été légués à sa mort à l’évêque de Québec François de Montmorenc­y-Laval.

Déposés au Musée de la civilisati­on de Québec, les documents ont été mis au jour à la demande de M. Labonne par l’archiviste en chef, Peter Gagné.

« Il était très sceptique quand je lui ai dit que des documents fondateurs de l’histoire de Montréal se trouvaient dans ses voûtes », raconte en riant M. Labonne, qui a vu son collaborat­eur confondu quelques instants plus tard.

DÉCOUVERTE HISTORIQUE

Ce sont plusieurs dizaines de pages de documents inédits directemen­t reliés à Jeanne Mance (principale­ment des actes notariés désignés dans son testament) qui ont été « découverts » dans ce fonds du Séminaire de Québec.

« Ces documents n’étaient pas inconnus. Des chercheurs ont pu les avoir sous les yeux, mais personne avant nous ne les avait attribués à Jeanne Mance elle-même », précise M. Labonne. Encore récemment, les historiens qui se sont intéressés aux premières heures de Montréal

croyaient les manuscrits de Jeanne Mance disparus à la suite d’incendies qui ont réduit en cendres d’innombrabl­es témoins de la Nouvelle-France à Montréal.

Les documents cédés par Jeanne Mance à Mgr Laval les ont préservés de la destructio­n. Ils sont dans le fonds du Séminaire de Québec, reconnu par l’UNESCO comme un des biens inscrits au Registre de la mémoire du monde depuis 2007.

« Ironiqueme­nt, c’est à Québec que se trouvaient les plus précieux documents de la colonie montréalai­se », reprend M. Labonne.

L’HISTOIRE QUI S’ÉCRIT

La lettre de Jeanne Mance dans laquelle elle enjoint à Paul Chomedey de Maisonneuv­e de faire venir une centaine de colons à ses frais, grâce à un budget alloué par la mécène Angélique Faure de Bullion, est écrite à la main dans un style très éloquent.

« Elle décrit Montréal de façon très sensible. On a l’impression d’y être », mentionne le muséologue.

En réalité, les choses vont très mal et la colonie est au bord de l’implosion. Les Iroquois viennent de terrasser leurs ennemis hurons et prennent Montréal pour cible. Les colons vivent dans la peur de nouvelles attaques et certains songent à retourner dans la mère patrie.

L’arrivée d’un nouveau contingent de personnes prêtes à s’installer à demeure aux flancs du mont Royal, parmi lesquelles on compte Marguerite Bourgeoys, relancera la vigueur de la colonie.

« Cette découverte est la preuve que, grâce à des chercheurs avisés comme Paul Labonne, l’histoire continue de s’écrire », a déclaré par communiqué Stéphan La Roche, président-directeur général du Musée de la civilisati­on.

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Angélique Faure de Bullion était l’épouse de Claude de Bullion, surintenda­nt des finances de France. Elle hérite d’une grande fortune à la mort de son mari et devient la bienfaitri­ce, anonyme, de Jeanne Mance et de l’Hôtel-Dieu.
PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE DE LA CIVILISATI­ON DE QUÉBEC PHOTO FOURNIE PAR PAUL LABONNE La lettre rédigée à la main par Jeanne Mance. Angélique Faure de Bullion était l’épouse de Claude de Bullion, surintenda­nt des finances de France. Elle hérite d’une grande fortune à la mort de son mari et devient la bienfaitri­ce, anonyme, de Jeanne Mance et de l’Hôtel-Dieu.
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Paul Labonne, directeur général du Musée des hospitaliè­res

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