Le Journal de Montreal - Weekend

L’ÉTRANGE ÉPIDÉMIE DE 1518 À STRASBOURG

- MARIE-FRANCE BORNAIS

■ Kiran Millwood Hargrave est une jeune dramaturge, poétesse et romancière anglaise.

■ Elle est maman d’une petite fille prénommée Coral.

■ Elle a commencé à écrire lorsqu’elle avait 19 ans.

■ Elle écrit également des romans jeunesse et jeune adulte.

■ La danse des damnées est son deuxième roman pour adultes, après Les Graciées, finaliste du prix Femina en 2020.

Jeune écrivaine extrêmemen­t talentueus­e, Kiran Millwood Hargrave fait revivre un événement troublant du 16e siècle dans son nouveau roman, La danse des

damnées. La ville de Strasbourg, en Alsace (Nord-Est de la France d’aujourd’hui), a été frappée par une hystérie collective où les gens se mettaient à danser sans pouvoir s’arrêter, jusqu’à en mourir d’épuisement. Elle plonge au coeur de cette histoire insolite par le biais de personnage­s féminins bouleversa­nts, en mettant en évidence les moeurs, les superstiti­ons et les croyances de l’époque.

Dans la chaleur étouffante de l’été 1518, une femme s’est mise à danser sans raison au pied de la cathédrale de Strasbourg, qui faisait à l’époque partie du Saint-Empire romain germanique. Dansant sans s’arrêter, des jours et des jours, elle a vite été rejointe par des centaines d’autres femmes.

Non loin de là, une jeune femme prénommée Lisbet s’occupe de ses abeilles. En récoltant le miel et en prenant soin d’elles, elle oublie l’ambiance oppressant­e de l’époque et son angoisse de perdre une fois de plus l’enfant qu’elle porte.

Tandis que de plus en plus de femmes s’agglutinen­t au pied de la cathédrale pour danser, jusqu’à en mourir pour certaines, Lisbet est bouleversé­e par le retour de sa belle-soeur Agnethe.

Condamnée à sept ans d’exil pour un crime que tout le monde tait, Agnethe retrouve Lisbet, qui cherche à tout prix à comprendre son secret. Elle sera bientôt prise dans un tourbillon de passion.

FAIT HISTORIQUE RÉEL

Kiran Millwood Hargrave s’est passionnée pour ce fait historique étonnant, qui sert de toile de fond au roman.

« Je suis tombée sur cette histoire par chance, en lisant un article du site web Atlas Obscura, qui recense des événements inusités. J’ai vu le titre : Elles ont dansé jusqu’à en mourir. J’ai cliqué. Et j’ai lu au sujet de cette épidémie dansante », dit-elle en entrevue.

« Je n’avais jamais entendu parler de cet événement qui est survenu dans une période dramatique de l’Histoire : on était en pleine chute du Saint-Empire romain germanique et au coeur de grands changement­s climatique­s. Ça m’a complèteme­nt fascinée. » Elle a ensuite lu le livre de John Waller, Les danseurs fous de Strasbourg. « À partir de là, cette histoire m’a obsédée. »

CONTEXTE POLITIQUE

La danse des damnées montre tout le contexte politique de l’époque, période à laquelle les Ottomans prenaient de l’avance en Europe centrale.

Le livre dépeint également le contexte religieux et les croyances populaires.

« Ce qui m’a vraiment surpris, c’est l’aspect circulaire de l’histoire et comment la nature humaine ne change pas vraiment : la planète et les êtres humains sont pour ainsi dire enlisés dans un cycle où on craint la fin du monde. Et pourtant, l’esprit humain trouve des moyens de s’apaiser. »

La fameuse manie dansante de Strasbourg – la « danse de Saint-Guy » – est survenue pendant un épisode climatique extrême en Europe.

« Ils ont connu des étés très froids marqués par des tempêtes de grêle, des hivers humides qui faisaient pourrir les graines dans les champs. Les gens étaient affamés. Ils avaient peur. Ils pensaient que Dieu leur en voulait », dit l’écrivaine.

« Je me suis sentie très reliée à ces gens du passé. Nous avons beaucoup de choses en commun avec nos ancêtres et je pense que plusieurs de nos peurs sont les mêmes. »

LISBET, FEMME INSPIRANTE

Elle a longtemps travaillé pour trouver la façon de raconter, à travers ses personnage­s, et surtout par le biais de Lisbet, une histoire humaine intense se déroulant au coeur d’un événement extraordin­aire.

« J’apprécie qu’elle soit restée une femme douce, en dépit de toutes les épreuves qu’elle a pu traverser. Les gens pensent parfois que la douceur est une faiblesse... mais de rester aimante et douce malgré les tragédies et les événements cruels, c’est une preuve de grande force et de bravoure. »

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PHOTO FOURNIE PAR TOM DE FRESTON

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