Le Journal de Montreal - Weekend
AU COEUR DE LA GUERRE DE CENT ANS
Revisitant la fascinante histoire de Jeanne d’Arc, Alix de Maistre et Xavier Kawa-Topor dressent un portrait inédit de cette fille de la terre au destin improbable dans un roman magistral qui sera adapté en série, Jeanne. Les auteurs, portés par de fortes intuitions et une analyse inusitée du sujet et de l’époque, permettent de mieux comprendre un moment crucial de la guerre de Cent Ans et le destin d’une aventurière visionnaire. Loin des clichés. Au plus près de la femme, de l’intime, d’une quête d’absolu et de l’intense spiritualité de Jeanne d’Arc.
Jeanne, fille de la terre, a grandi dans un village aux confins du pays. Enflammée par son imagination et la passion qu’elle voue au futur roi Charles VII, elle se convainc qu’elle doit lui porter secours.
Charles est en effet le fils répudié d’un roi fou et d’une reine en pleine déchéance qui n’a plus de crédibilité et Yolande d’Aragon, femme d’État, tente de le manipuler pour reprendre du pouvoir.
La jeune femme à la foi inébranlable, avec pour seule arme sa détermination, marche vers lui tandis que les mercenaires désertent la Citadelle, où le prince ne quitte plus sa chambre, enfermé dans ses phobies.
UN MOMENT CRUCIAL
Dans ce roman puissant, original, au rythme soutenu, Alix de Maistre et Xavier Kawa-Topor montrent une jeune femme à la spiritualité intense, éprise d’aventures chevaleresques et d’idéaux.
Ils transportent les lecteurs au coeur d’une période historique cruciale : la guerre de Cent Ans.
« C’est un roman qui a été très exigeant dans son écriture parce qu’on a choisi de renouveler vraiment Jeanne d’Arc en étant très proches d’elle, en travaillant sur l’intime, en travaillant sur la femme et en éloignant tout l’aspect folklorique, mythique, légendaire. Ça demande un immense travail : pour Jeanne, mais aussi pour Charles et tous les personnages qui sont autour », explique l’écrivaine Alix de Maistre, en entrevue.
Quelques touches de fantastique apparaissent ici et là.
« On n’a pas mis les voix de Jeanne d’Arc parce qu’à ce moment-là, ça faisait une autorité extérieure à elle qui lui disait quoi faire, il fallait donc revenir sur son intériorité. Il fallait explorer son imaginaire, sa culture. »
« On a travaillé son lien à la nature et la façon dont on voulait représenter son imaginaire qui est à la fois lié à la nature, à travers l’ours qui représente le roi. On ne fait pas de séparation franche entre le réel et le surréel. »
« Pour nous, ce qui était très important, c’était qu’elle puisse, dans un monde complètement en vrac, complètement en mutation, en plein chaos, imaginer autre chose. Toute l’angoisse dans ce chaos, c’est qu’on est enfermé dans des logiques, dans des systèmes qui empêchent toute imagination. Et elle, elle peut imaginer autre chose. »
SON RAPPORT AU VIVANT
L’intense spiritualité de Jeanne et son lien profond avec la nature sont donc mis de l’avant dans le roman.
« Ce qui me touche le plus en Jeanne, c’est son rapport au vivant », commente Xavier Kawa-Topor, en entrevue par courriel. « Il est pour moi la source de sa spiritualité, le fondement de tout son être. » À son avis, la plus grande force de Jeanne fut sa foi, « qui est aussi la raison de sa perte ».
« Si Jeanne accomplit l’impossible, elle le fait en renversant l’ordre établi, en endossant un rôle et un habit qui ne sont pas ceux auxquels sa naissance l’assignait. »
« De ce point de vue, Jeanne est moins une héroïne providentielle qu’un personnage transgressif, au destin inachevé, finalement brisée par l’ordre qu’elle a défié. Et puis la force de Jeanne relève aussi, me semble-t-il, de son sens du symbolique. Face aux Anglais, elle ne mène pas uniquement une campagne militaire, mais une guerre idéologique où le sacre de Charles VII à Reims est un vrai coup de maître. »