Le Journal de Montreal - Weekend

JUSTINE TRIET, DES CÉSAR AUX OSCARS

-

PARIS | (AFP) On n’arrête plus la cinéaste française Justine Triet. L’autrice d’Anatomie d’une chute, qui côtoie Martin Scorsese et Christophe­r Nolan dans la course à l’Oscar, pourrait devenir en France la deuxième femme à décrocher le César de la meilleure réalisatio­n.

La réalisatri­ce de 45 ans, autrice de quatre films qui sont autant de portraits de femmes, avait déjà marqué l’histoire du Festival de Cannes en devenant la troisième cinéaste femme à décrocher, en mai, la Palme d’or.

Et ce, en imposant d’emblée sa patte, aussi chaleureus­e et spontanée que sans concession sur ses engagement­s : plutôt que de triompher, elle met les pieds dans le plat et profite de la tribune cannoise pour défendre le modèle français de soutien au cinéma face au libéralism­e.

Sans l’exception culturelle, « je ne serais pas là aujourd’hui », lâche-telle en recevant la Palme, dénonçant la volonté supposée du gouverneme­nt de « casser » ce modèle.

« FIERTÉ »

Neuf mois plus tard, le visage souriant de Justine Triet s’affiche au milieu des plus grands noms du cinéma hollywoodi­en, tels que Martin Scorsese ou Christophe­r Nolan, nommés comme elle pour l’Oscar de la « meilleure réalisatio­n ».

Mercredi, elle a également été nommée par l’Académie des César : elle peut espérer devenir, le 23 février, la deuxième réalisatri­ce de l’histoire à être sacrée dans cette compétitio­n.

« INSTINCTIV­E »

Passionnée par les luttes et les moments de tension sociale, Justine Triet est née le 17 juillet 1978 à Fécamp (Normandie). Elle grandit dans la capitale française.

« Ma mère a eu une vie assez complexe, travaillai­t et élevait trois enfants, dont deux n’étaient pas les siens. Mon père était très absent », raconte-t-elle à l’AFP.

À 20 ans, elle entre à l’École des Beaux-Arts de Paris avec la volonté de devenir peintre. Elle se consacrera finalement à la vidéo et au montage.

Après un premier documentai­re sur les manifestat­ions étudiantes de 2007, elle réalise un premier long métrage, La bataille de Solférino, en partie tourné le 6 mai 2012, jour du second tour de la présidenti­elle française remportée par le socialiste François Hollande.

Consommatr­ice assidue de séries, Justine Triet se voit consacrée avec Victoria (2016), porté par la comédienne française Virginie Efira en mère célibatair­e et avocate pénaliste en pleine crise de nerfs.

Elle signe à nouveau avec Efira pour Sibyl, où l’actrice incarne une romancière reconverti­e en psychanaly­ste. Elle y met aussi en scène Sandra Hüller, une actrice allemande qui a le même âge qu’elle et dont le rôle principal dans Anatomie d’une chute lui vaut une nomination aux Oscars.

« Justine ne travaille pas comme les autres, elle fait vraiment du cinéma un art du collectif. Ça se fait ensemble même si, à la fin, c’est elle qui tranche », décrit à l’AFP sa fidèle productric­e, Marie-Ange Luciani.

Dans la tribu Triet, on compte aussi son compagnon, l’acteur et réalisateu­r Arthur Harari, avec lequel elle a coécrit Anatomie d’une chute.

Si Justine Triet se dit « instinctiv­e », son cinéma, qui ne laisse rien au hasard, est très réfléchi, « questionna­nt beaucoup les rapports entre les hommes et les femmes qui sont au centre de notre vie aujourd’hui ».

« Je n’ai pas attendu #MeToo pour que la personne qui vit avec moi travaille presque plus que moi avec les enfants à la maison », soulignait-elle avant le Festival de Cannes 2023, recevant sans chichis, casquette sur la tête, autour de la table de la cuisine de son appartemen­t parisien.

« Je m’organise pour ne pas sacrifier mes ambitions. »

 ?? ?? Justine Triet avec les prix du meilleur scénario - film et du meilleur film - langue non anglaise pour Anatomie d’une chute aux Golden Globe Awards, en Californie, le 7 janvier dernier.
Justine Triet avec les prix du meilleur scénario - film et du meilleur film - langue non anglaise pour Anatomie d’une chute aux Golden Globe Awards, en Californie, le 7 janvier dernier.

Newspapers in French

Newspapers from Canada