Le Journal de Montreal - Weekend
Des Mohawks ont bravé le Nil en 1884
Un groupe de 56 Mohawks a traversé l’océan Atlantique et l’Europe pour guider un bataillon britannique à travers les rapides du Nil en 1884. Deux d’entre eux n’en sont jamais revenus.
Journaliste Le Journal de Montréal
Quand il a été clair que les autorités britanniques désiraient des « Indiens de Caughnawaga » pour joindre le contingent canadien en route pour l’Afrique, « le nombre requis a été vite atteint, malgré des discours décourageants et des craintes infondées », écrit le commandant de la mission Louis Jackson dans son journal de bord publié en 1885 et intitulé Our Caughnawagas in Egypt.
Enchanté de prendre part à cette expédition au bout du monde, le commandant Jackson, lui-même membre de cette communauté, raconte le quotidien des voyageurs qui aperçoivent le sphinx et les pyramides entre Alexandrie, Luxor et Le Caire.
Il mentionne que l’eau du fleuve mythique « a bon goût, mais est un peu trouble » et que le bois est assez rare sur les rivages. Au moment d’entreprendre le périple, le cours d’eau « est aussi large que le Saint-Laurent face à Caughnawaga ».
Il faut mentionner qu’avec ses 6500 km entre le lac Victoria et la Méditerranée, le Nil est, avec l’Amazone, l’un des deux plus longs fleuves du monde.
SAUVER LE MAJOR GORDON
C’est pour sauver le major général Charles George Gordon, capturé à Khartoum par les résistants durant la guerre du Soudan, que les Autochtones ont été invités à prendre part à l’expédition. L’endroit où le militaire est détenu n’est accessible qu’au terme d’une descente périlleuse dans les « cataractes » du Nil.
Même si l’armée britannique dispose d’un immense bassin de soldats, peu de gens dans ses rangs savent naviguer en eau vive entre les rochers avec des embarcations chargées. L’idée d’embaucher des Autochtones d’Amérique apparaît alors comme la meilleure alternative pour les stratèges militaires. Il faudra non seulement sauver l’officier, mais transporter des tonnes de munitions et des passagers sans risquer de pertes humaines et matérielles.
De plus, les alliés autochtones du Canada se sont fait connaître par leur habileté et leur bravoure à l’occasion de l’assaut contre les métis de la rivière Rouge, dans le Manitoba actuel.
FASCINANT TÉMOIGNAGE
Durant cet épisode déterminant de l’histoire canadienne, les forces britanniques ont dû mettre les bouchées doubles pour repousser les rebelles de Louis Riel en 1870. Les Mohawks ont été leurs guides.
« Après sept ou huit jours de voyage, nous quittons les montagnes de sable et commençons à apercevoir des rochers des deux côtés de la rive, plus particulièrement à l’est où les parois semblent faites de plâtre de Paris », relate Louis Jackson dans son fascinant témoignage publié à son retour en 1885 et que Le Journal a pu lire en entier grâce à une numérisation de l’Université de l’Alberta.
Son récit relate la vue de malades atteints de lèpre et de choléra, de prisonniers noirs attachés les uns aux autres par des chaînes rouillées autour du cou, ou d’enfants souffrant de sous-alimentation.
L’auteur raconte la mort d’un des voyageurs, Louis Capitaine, dans la seconde partie de l’expédition. Tombé à l’eau à un endroit difficile d’accès, il se noie dans les rapides sans que les nageurs partis à son secours arrivent à le rejoindre. Un autre Mohawk perdra la vie dans le voyage.
D’autres sections relèvent plus de la chronique touristique, par exemple quand Jackson décrit des monuments le long du rivage. « Nous apercevons d’immenses personnages, certains debout, certains assis sur des chaises, certains regardant vers la rivière, certains montrant leur profil, le plus haut d’entre eux pouvant avoir 60 pieds de haut ».
D’autres parties sont cocasses, par exemple lorsqu’il s’informe auprès des Égyptiens de l’endroit précis où Moïse a