Le Journal de Montreal - Weekend
UN SUSPENSE AUX ALLURES DE TRAGÉDIE GRECQUE
C’est au Québec que le cinéaste français Xavier Legrand a choisi de camper l’histoire de son nouveau film, Le successeur, un suspense troublant aux allures de tragédie grecque, dans lequel il s’amuse à égarer le spectateur sur de fausses pistes.
Tourné à Paris et à Montréal à l’hiver 2023, Le successeur relate le parcours d’Ellias (Marc-André Grondin) un designer québécois ambitieux qui a réussi à gravir les échelons du milieu de la mode pour se hisser à la tête d’une prestigieuse maison de haute couture française.
Alors qu’il est plongé dans l’organisation d’un grand défilé de mode à Paris, Ellias retombera sur terre en apprenant que son père vient de mourir et qu’il doit rentrer au Québec pour régler sa succession. En vidant la maison de son père, il découvrira que l’héritage de celui-ci est bien pire que ce qu’il imaginait.
Dans son premier long métrage, le percutant Jusqu’à la garde, paru en 2017, Xavier Legrand abordait le sujet des violences conjugales en mettant en scène un père violent qui obtenait la garde partagée de son fils. Avec Le successeur, le cinéaste tape sur le même clou en dénonçant le poids du patriarcat.
« Le patriarcat, c’est le fil rouge qui traverse mon premier long métrage et celui-ci », a souligné Xavier Legrand lors d’une visite à Montréal en novembre dernier.
« J’avais envie de parler de la violence des hommes et de montrer comment le patriarcat peut écraser les femmes, les enfants, mais aussi les hommes ».
LIBERTÉS
Pour écrire le scénario du Successeur (avec la collaboration de la Québécoise Dominick Parenteau-Lebeuf), Xavier Legrand a puisé son inspiration dans un roman d’Alexandre Postel, L’ascendant, publié en 2015. Avec l’accord de l’auteur, le cinéaste a toutefois pris la liberté de s’approprier totalement le livre pour en faire une oeuvre différente.
« Avec le film, j’ai voulu augmenter tous les curseurs par rapport au livre », explique Xavier Legrand.
« J’ai notamment changé le métier du personnage pour que sa chute soit encore plus vertigineuse. Dans le livre, il vend des téléphones. Alors que dans le film, il est porté aux nues en tant que représentant d’une maison très prestigieuse ».
« Symboliquement, je voulais aussi qu’il y ait un océan entre son père et lui, et entre son passé et lui. Je voulais que le personnage soit isolé. C’est pour ça que j’ai choisi de situer cette histoire au Québec. »
UNE DISTRIBUTION QUÉBÉCOISE
Vous l’aurez deviné : Le successeur flirte avec le cinéma de genre et l’horreur. De son propre aveu, Xavier Legrand a pris un malin plaisir à briser les codes et à brouiller les pistes.
« J’aimais l’idée d’amener le spectateur sur des fausses pistes, admet-il. Au début, on espère que ça deviendra un film nostalgique dans lequel Ellias va se réconcilier avec son passé. Mais finalement, il va chuter totalement. Je voulais que le spectateur rentre avec lui dans cette quête. »
Comme une grande partie de l’histoire du Successeur est campée au Québec, Xavier Legrand a fait appel à plusieurs acteurs de chez nous, dont Yves Jacques, Louis Champagne et AnneÉlisabeth Bossé. Pour camper le personnage central de son film, le réalisateur français a rapidement jeté son dévolu sur Marc-André Grondin.
« J’ai vu tout ce qu’il a fait et j’avais envie de travailler avec lui », confie le cinéaste.
« Il me fallait un acteur solide parce que, physiquement et émotionnellement, c’est un rôle qu’il faut tenir. Je sentais que Marc-André était capable d’aller loin, mais en toute sécurité. Parce qu’il a un rapport sain avec son métier. Et quand on a un rapport sain, on peut jouer les choses les plus dures en gardant en tête que c’est du cinéma. Cette zone de sécurité est très importante pour moi. C’est comme ça que je travaille avec les acteurs. J’essaie de les mettre dans un confort pour leur permettre de lâcher prise. »
Le successeur, à l’affiche depuis hier dans les salles obscures.