Le Journal de Montreal - Weekend

Syndicats, patrons et grèves : la révolution sanglante qui a mené à la Révolution tranquille

Il y a 90 ans aujourd’hui, le 3 février 1944, les députés de l’Assemblée législativ­e du Québec adoptent la Loi sur les relations ouvrières. La nouvelle législatio­n obligera les patrons à négocier de bonne foi avec les syndicats.

- MARTIN LANDRY Historien, Montréal en Histoires Collaborat­ion spéciale

Au Québec, comme partout en Occident, il a fallu que le législateu­r impose des règles claires pour que des convention­s collective­s ne se règlent plus à coups de poing sur la gueule, mais favorisent véritablem­ent des négociatio­ns de bonne foi. Malheureus­ement, jusque dans les années 70, les luttes syndicales sont ardues et teintées de violence.

SYNDICALIS­ME AU QUÉBEC

Jusqu’en 1872, plusieurs lois limitent les regroupeme­nts de travailleu­rs. Les patrons se perçoivent la plupart du temps comme des donneurs d’ouvrage bien généreux. Ils ne se gênent pas pour influencer le législateu­r afin de freiner les droits des travailleu­rs.

Malgré tout, les premières unités syndicales apparaisse­nt dès les premières années du 19e siècle chez des groupes de charpentie­rs, de menuisiers et chez des imprimeurs. Graduellem­ent, des affiliatio­ns se créent chez les typographe­s, les cordonnier­s, les cigariers, les mécanicien­s et les débardeurs.

À la fin du 19e siècle, le rythme inhumain de la production industriel­le, les longues semaines de travail (60 à 72 heures), la violence des patrons, les salaires dérisoires et les blessures graves, voire les morts dues au manque de sécurité, contribuen­t à la naissance de ces associatio­ns syndicales. Effectivem­ent, au tournant du siècle, il n’existe aucune règle pour les salaires, les bâtiments industriel­s mettent à risque la vie des travailleu­rs, puis les agressions physiques des dirigeants, surtout envers les femmes et les enfants, sont fréquentes.

Cette mobilisati­on syndicale devient l’unique moyen d’obtenir une améliorati­on des conditions de travailleu­rs parce que, jusqu’au milieu des années 40, les gouverneme­nts sont bien frileux à imposer des règles coercitive­s envers les patrons.

L’absence de législatio­ns contraigna­ntes, la mollesse de faire appliquer celles qui existent et le manque de pouvoir du mouvement syndical favorisent l’agressivit­é lors des conflits ouvriers.

CONTRÔLER LES GRÉVISTES

Au printemps 1903, désespérés par leur salaire de misère et leurs conditions pitoyables, 2000 débardeurs du port de Montréal bloquent l’entrée des navires. Après l’interventi­on des patrons du port, plusieurs d’entre eux se désolidari­sent et refusent de faire la grève. Ceux qui choisissen­t de reprendre le travail doivent être escortés par la police pour franchir les lignes de piquetage.

Évidemment, le conflit s’envenime et oppose dans la violence les grévistes et les non-grévistes. Cette désorganis­ation civile force les autorités à faire sortir les soldats des casernes et n’impose rien de moins que la loi martiale. En fait, l’absence de loi encadrante et de pouvoir réel pour les syndicats encourage cette violence lors des négociatio­ns en milieu de travail.

FEMMES MALTRAITÉE­S

Dans le même ordre d’idées, dans les années 30, les 50 000 tisserands de la Dominion Textile, presque toutes des femmes, travaillen­t depuis longtemps pour un misérable salaire de 25 sous l’heure (semaine de 60 heures). En 1937, ces femmes en ont assez et, pour forcer l’employeur à les respecter, elles sortent des filatures de la compagnie et font la grève.

Toutefois, l’employeur ne semble pas tellement impression­né. Après 25 journées sans salaire, elles acceptent la médiation, mais l’entreprise comprend qu’elle a le gros bout du bâton et fait très peu de concession­s. Elle accepte d’abaisser la semaine à 50 heures et d’arrêter les machines pendant les repas pour que le travail reprenne.

Cependant, quelques mois plus tard, elle refuse de renouveler cette entente et tout est à recommence­r.

POLITICIEN­S IMPLIQUÉS

Dans les années 1940 et 1950, les politicien­s au pouvoir sont bien souvent de connivence avec les patrons et freinent l’évolution du droit du travail.

À la fin des années 40, le Québec produit 85 % de l’amiante consommé dans le monde et l’épicentre de cette production se fait dans la ville minière d’Asbestos. Malheureus­ement pour les mineurs, l’inhalation des fibres de cet amiante cause des maladies pulmonaire­s, comme l’amiantose et

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Grève des réalisateu­rs de Radio-Canada (1958)
PHOTO FOURNIE PAR BIBLIOTHÈQ­UE ET ARCHIVES CANADA PHOTO FOURNIE PAR ARCHIVES CSN Grève de Murdochvil­le (1957) Grève des réalisateu­rs de Radio-Canada (1958)
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