Le Journal de Montreal - Weekend
ENQUÊTER SANS EN AVOIR L’AIR
Qui a assassiné le célèbre architecte Romain Maréchal ? L’enquête se déroulera au rythme des vacances d’un sympathique… gynécologue !
L’assassin est dans la nature appartient à la catégorie des romans policiers légers, dans lesquels l’intrigue ne sombre pas dans le macabre ou le drame social. Les protagonistes donnent toutefois envie de les suivre.
La faute en revient à Jean-Jacques Rousseau, personnage qui n’a rien à voir avec le philosophe du 18e siècle dont il tire le nom. Ce Rousseau-là est Haïtien d’origine, Montréalais depuis toujours, gynécologue de profession et tout juste retraité.
Pour l’occasion, il a choisi de séjourner sur l’île (inventée) d’Antagonish dans le Rhode Island, histoire de renouer avec la lointaine époque de sa jeunesse, quand sa famille venait y passer les vacances. Peutêtre retrouvera-t-il des gens qu’il y a connus ?
Mais à peine arrivé, il tombe sur un cadavre gisant dans un marais de la réserve ornithologique. Il alerte la police, et se retrouve premier suspect dans ce qui s’avère un meurtre ! Il faudra lever ce quiproquo, ce qui n’embête pas du tout Rousseau, un joyeux luron dont rien ne trouble la sérénité.
Sa façon de se mêler de l’enquête en ne cessant de croiser la route de l’enquêteur Benjamin Still, tout en retenue, donne au récit son ton particulier.
Le souriant Rousseau profite bien de son séjour au soleil, dans une île devenue une oasis pour les célébrités qui veulent la paix.
En même temps, il mesure mieux que quiconque à quel point l’île autrefois familiale s’est transformée.
Ses manières décontractées lui permettent par ailleurs de jaser avec tout un chacun, récoltant des bribes d’information qui s’avéreront utiles pour résoudre le meurtre du grand architecte Romain Maréchal, natif d’Antagonish.
UN REGARD SOCIOLOGIQUE
Le quatrième de couverture du livre évoque « une enquête menée tambour battant », ce qui est trompeur. Il s’agit au contraire, et c’est ce qui en fait le charme, d’un roman qui colle aux pas tranquilles du vacancier Rousseau.
Avec lui, on visite le musée de la réserve ornithologique, créé pour préserver un oiseau rare, le Phalacroconax gaimardi ; on assiste au spectacle du cirque ambulant ; on boit des bulles avec un célèbre rappeur. Et tout cela finira par ramener à l’assassinat survenu.
Parallèlement, l’enquêteur Still poursuit son travail, méthodiquement, sans esbroufe. Pas question d’effaroucher les vacanciers !
On comprend par ailleurs comment se développe un lieu de villégiature recherché, bousculant les modes de vie des uns et enrichissant les autres, comme ce fut le cas pour Maréchal.
Ce regard sociologique participe à l’intérêt du roman.
À quoi s’ajoutent le dynamisme des dialogues, des personnages secondaires bien campés et une manière particulière de titrer les chapitres.
Sans oublier l’entrain de JeanJacques Rousseau, mâtiné de lucidité.
« J’ai été naïf de penser que je retrouverais les choses dans l’état où je les ai laissées il y a si longtemps », note-t-il finalement.
Mais quel intéressant tour de l’île il nous aura fait faire pour en arriver à cette sage conclusion !