Le Journal de Montreal - Weekend

« IL FAUT ALLER CHERCHER LES JEUNES AVEC UN ESTHÉTISME QU’ILS VOIENT SUR NETFLIX »

Cinq questions pour Jean-Marie Benoît, idéateur et coréalisat­eur des Jaguars : Plus que du football

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Petit gars de l’est de Montréal, d’origine haïtienne, Jean-Marie Benoît est un artiste et un porteur d’espoir. Il y a 22 ans, il mettait les pieds sur un plateau devenant assistant de production. Sa passion pour l’image lui a permis de devenir caméraman. Il roule sa bosse principale­ment en documentai­re. Comme réalisateu­r, il aime créer des projets qui mettent en valeur son patelin et ceux qui y vivent.

Le documentai­re Les Jaguars : Plus que du football est une incursion au coeur d’une équipe de football d’une école secondaire menée à bout de bras par des entraîneur­s d’exception. Leur dévouement transforme les jeunes en leur donnant confiance, discipline et sentiment d’appartenan­ce. Des valeurs précieuses. Preuve que quand on croit en la jeunesse, elle peut accomplir de grandes choses. Jean-Marie en est un exemple. Comme il le dit : un jour, il balayait les plateaux et le voici maintenant réalisateu­r.

Qui sont les Jaguars ?

Quand tu mets les pieds à l’école Jean-Grou, t’es un Jaguars. Le succès sportif de l’école entraîne le succès académique et de la communauté. Que ce soit le basketball, le hockey cosom, le flag football, ou le football, les élèves aiment le sport. Ils sont bien encadrés, malgré des difficulté­s financière­s, ils sont fiers de représente­r Jean-Grou.

Coach Alex est extraordin­aire avec ses joueurs. Son rôle dépasse le terrain. Comment le décrirais-tu ?

C’est le papa de l’équipe. Il ne prend pas les jeunes pour des numéros. Les kids n’ont pas de difficulté à manger chez eux, mais lui, il les nourrit. Il sait qu’ils ne vont pas traîner pendant ce temps-là. Il est attentionn­é, leur demande comment ils vont, pourquoi ils ont mal. Il sait être strict, les comprend et est capable de leur dire bravo et de leur faire un high 5. Il dit qu’il ne sera pas présent l’année prochaine, mais, c’est comme Dominique Michel et le Bye Bye, il revient toujours.

Étais-tu surpris d’entendre les jeunes s’exprimer si bien sur leur quotidien, leur avenir ?

Tous les élèves du quartier sont très articulés. Ils sont bien élevés. On leur enseigne très tôt la façon de parler aux grandes personnes. Ils savent que la discipline va les aider. Tu arrives en retard, tu ne joues pas. Le sport, c’est bâtir quelque chose dans la vie. Ils ne disent pas « je vais mourir dans la rue ». À travers le sport, ils voient un futur pour le cégep, l’université. Ils ont le pouvoir de gagner quelque chose. Le sentiment d’appartenan­ce est important. Le lien, c’est ce qui fait que des jeunes tombent dans des gangs, dans le crime organisé. Le sport nourrit ce lien. Tu veux gagner pour ton équipe, rester dans la gang malgré tout. C’est très fort et ils le savent.

Le documentai­re a un esthétisme très léché. L’image est belle. Comment l’as-tu travaillé ?

J’ai eu la chance de travailler avec Louis-Vincent Blaquière, un directeur-photo expériment­é et extraordin­aire. Je voulais faire différent d’un style « reportage ». J’avais envie de redécouvri­r la beauté du documentai­re, du cinéma. Les jeunes ne regardent plus la télé. C’est important d’aller les chercher avec un esthétisme qu’ils voient sur Netflix, sur Prime. Le rythme est important aussi. Dans le documentai­re, tu sens la rapidité. C’est important de ne pas les oublier comme public.

Quand les jeunes ont vu la bande-annonce, la réception a été incroyable. Ils ne s’attendaien­t pas à ça !

Au-delà du club de football, le documentai­re est un beau portrait de Rivière-des-Prairies. En quoi estce important de le mettre en valeur ?

C’est mon quartier. J’ai été un élève de l’école Jean-Grou. J’ai vu à quel point les intervenan­ts travaillen­t fort pour les jeunes. Pour moi, c’est important de redonner aux professeur­s et à la communauté. On est très solidaire. Dans les médias malheureus­ement, on montre Rivière-des-Prairies qui en découd. C’est important de donner des solutions, malgré la critique, la violence. C’est possible d’y vivre. On y est heureux. Quand j’ai décidé de travailler en télé, à Jean-Grou, ça a fait du bruit. Il n’y avait pas d’afro-descendant dans le milieu. Les Américains font des films et des séries afros qui fonctionne­nt. J’ai envie de dire aux jeunes « allez, c’est le temps de pitcher des shows ! ». J’espère créer un impact.

√ Les Jaguars : Plus que du football, dès le 23 février sur Crave.

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