Le Journal de Montreal - Weekend

L’HISTOIRE MAUDITE DE LA TOITURE d’un des plus beaux stades du monde

Nous aurons une toiture toute neuve pour le stade olympique de Montréal en 2027. C’est un investisse­ment considérab­le, nous dit-on, pour rendre étanche la toiture de notre beau stade une bonne fois pour toutes.

- MARTIN LANDRY Historien, Montréal en Histoires Collaborat­ion spéciale

Cette infrastruc­ture sportive nous a quand même coûté la rondelette somme de six milliards de dollars, ce n’est pas une mauvaise idée d’en prendre soin.

POUR LES JEUX OLYMPIQUES

Saviez-vous que pendant près de 40 ans, entre 1930 et 1967, la Ville de Montréal a essayé d’obtenir à cinq reprises, sans succès, la tenue des Jeux olympiques ? À la fin de l’été 1967, alors que l’Expo 67 a attiré l’attention du monde entier sur la métropole québécoise, l’infatigabl­e Jean Drapeau, maire de Montréal, indique à l’Associatio­n olympique canadienne son intention de demander encore une fois d’être l’hôte de la prochaine olympiade, celle de l’été 1976.

En décembre 1969, le maire Drapeau dépose officielle­ment la candidatur­e de sa ville. Six mois plus tard, on crie victoire ! Le Comité internatio­nal olympique, réuni à Amsterdam, annonce que Montréal obtient les Jeux devant les villes de Moscou et de Los Angeles.

TOIT RÉTRACTABL­E

Le maire Drapeau veut construire un stade emblématiq­ue tout en s’assurant que l’amphithéât­re devienne le domicile des Expos et des Alouettes après les olympiades. On dévoile la maquette du stade conçu par un des plus grands architecte­s de son époque, Roger Taillibert, au printemps 1972. Le futur stade de 70 000 places aura un toit rétractabl­e qui, soutenu par un gigantesqu­e mât, pourra s’ouvrir ou se fermer selon les conditions météorolog­iques.

En avril 1973, on commence les travaux d’excavation du Parc olympique. Les premiers piliers sont coulés sur place et commencent à prendre forme dès la fin de l’été 1974. On n’a pas une minute à perdre, il ne reste que deux ans avant l’ouverture des Jeux, mais les multiples embûches reliées à la constructi­on, dont deux grèves importante­s, font craindre le pire. De plus en plus d’experts croient que le stade ne sera jamais complété pour l’ouverture des Jeux en juillet 1976.

Pour accélérer la constructi­on, le 20 novembre 1975, le gouverneme­nt Bourassa crée la Régie des installati­ons olympiques (RIO) et prend la relève de la Ville de Montréal pour que le stade soit livré à temps.

Comme on le sait, la RIO réussira son pari, les installati­ons seront prêtes à temps et le 17 juillet 1976, les Jeux de la XXIe Olympiade seront déclarés ouverts. Le problème, c’est que pour réussir à compléter à temps les espaces de compétitio­ns du nouveau stade, on a dû mettre sur pause l’érection de la tour olympique. Pas de tour, pas de toit rétractabl­e pour les Jeux.

ET LA TOILE DANS TOUT ÇA ?

Ces Jeux de 1976 sont un véritable succès sur le plan de l’organisati­on, mais ils ont généré un déficit de près d’un milliard de dollars. Quand l’événement sportif se termine, une fois les délégation­s reparties, on se retrouve avec un gros mal de tête. La facture est salée. Il faut maintenant payer pour de nombreux dépassemen­ts de coût. Les

gouverneme­nts qui se succèdent après l’événement ne semblent pas tellement pressés d’achever le mât et d’installer la toiture rétractabl­e.

La toile de Kevlar fabriquée en Allemagne était entreposée à Marseille et n’a été rapatriée au Québec qu’en 1982.

Par la suite, elle poireauter­a pendant des années dans un stationnem­ent intérieur. Onze ans après les Jeux, les travaux de constructi­on de la tour olympique sont finalement terminés. On peut contempler l’oeuvre de Roger Taillibert et enfin installer la fameuse toiture rétractabl­e. Imaginez l’émotion ressentie par les responsabl­es du Parc olympique le 16 avril 1987 quand la toile est mise en place. Chaque ouverture ou fermeture de la grosse toiture orange de Kevlar est un événement en soi.

Au tournant des années 80, le Stade olympique de Montréal est l’un des plus beaux au monde. Même s’il a coûté une fortune, il fait la fierté des Montréalai­s.

CATASTROPH­E

En août 1988, 16 mois après l’installati­on de la toile du stade, des vents particuliè­rement violents la déchirent. Une petite déchirure de 5 cm, mais une autre de 40 cm plus inquiétant­e. Un mois plus tard, pendant une manoeuvre technique, la toile se fissure encore, mais cette fois, la déchirure est de plusieurs mètres.

Par la suite, les brèches se multiplien­t, à un point tel que la RIO abandonne le concept de rétractabi­lité de la toiture et la fixe pour protéger la structure. C’est terminé, le toit restera fermé définitive­ment. Malheureus­ement, même en restant fixe, la toile se déchire encore et encore. On sent qu’on n’a plus vraiment le choix, on se résigne à investir pour redonner un nouveau toit au stade. On le démonte et le remplace par une membrane tendue faite de fibres de verre tissées et recouverte­s de téflon. On s’éloigne du concept architectu­ral initial. Aussi invraisemb­lable que cela puisse paraître, la nouvelle toiture se déchire le 18 janvier 1999.

En fait, le stade dessiné par Roger Taillibert n’avait pas été conçu pour ce type de toiture. Les risques de rupture de la toiture en place sont si importants en hiver que l’enceinte ne peut accueillir de grands événements une bonne partie de l’année.

Cette année, l’anneau technique de 1976 et la toiture de téflon seront démantelés. D’ici deux ans, un nouvel anneau technique sera construit et un nouveau toit fixe sera installé pour qu’on puisse profiter de ce stade qui fêtera bientôt son 50e anniversai­re.

 ?? ?? Dévoilemen­t de la maquette du futur stade olympique de Montréal, en 1972.
LANDRY PHOTO FOURNIE PAR MARTIN
La toile de Kevlar est déployée le 16 avril 1987. Haute de 165 mètres avec son angle d’inclinaiso­n de 45 degrés, la tour du stade olympique est la plus haute tour inclinée au monde. Elle est répertorié­e dans l’ensemble des guides touristiqu­es sur Montréal.
Dévoilemen­t de la maquette du futur stade olympique de Montréal, en 1972. LANDRY PHOTO FOURNIE PAR MARTIN La toile de Kevlar est déployée le 16 avril 1987. Haute de 165 mètres avec son angle d’inclinaiso­n de 45 degrés, la tour du stade olympique est la plus haute tour inclinée au monde. Elle est répertorié­e dans l’ensemble des guides touristiqu­es sur Montréal.
 ?? ??
 ?? PHOTOS FOURNIES PAR LA VILLE DE MONTRÉAL ?? Symbole phare des Jeux olympiques de 1976. En août 1972, on dévoile l’emblème des Jeux réalisé par le graphiste québécois Georges Huel.
Le stade olympique avant le parachèvem­ent de la tour.
PHOTOS FOURNIES PAR LA VILLE DE MONTRÉAL Symbole phare des Jeux olympiques de 1976. En août 1972, on dévoile l’emblème des Jeux réalisé par le graphiste québécois Georges Huel. Le stade olympique avant le parachèvem­ent de la tour.
 ?? PHOTO FOURNIE PAR LES ARCHIVES DE TVA ?? Joyau du patrimoine architectu­ral moderne, le style audacieux du stade olympique de Montréal est unique en Amérique du Nord. Le stade est un bâtiment emblématiq­ue pour Montréal. Il fait aujourd’hui partie du patrimoine bâti du Québec et du Canada.
PHOTO FOURNIE PAR LES ARCHIVES DE TVA Joyau du patrimoine architectu­ral moderne, le style audacieux du stade olympique de Montréal est unique en Amérique du Nord. Le stade est un bâtiment emblématiq­ue pour Montréal. Il fait aujourd’hui partie du patrimoine bâti du Québec et du Canada.
 ?? PHOTO FOURNIE PAR LES ARCHIVES DE TVA ?? Déchirure dans la toile du stade olympique.
PHOTO FOURNIE PAR LES ARCHIVES DE TVA Déchirure dans la toile du stade olympique.

Newspapers in French

Newspapers from Canada