Le Journal de Montreal - Weekend

UNE MURALE INESTIMABL­E DANS UN BUREAU DE MCGILL

« Wow ! » L’émerveille­ment nous saisit quand on pénètre dans le local du pavillon Strathcona de l’Université McGill, où se trouve Endocrinol­ogy, une murale ayant pour thème la rencontre de l’art et de la science.

-

« Votre réaction est fréquente chez les gens qui entrent ici et c’est certaineme­nt celle que souhaitait le Dr Hans Selye », lance, amusée, Gwendolyn Owens, directrice de la Collection d’arts visuels de l’établissem­ent.

OEuvre de l’artiste montréalai­se Marian Dale Scott (1906-1993), qui a mis deux ans à la réaliser en pleine Seconde Guerre mondiale, entre 1941 et 1943, Endocrinol­ogy représente un individu qui tend la main vers le noyau d’une cellule. Autour de lui, plusieurs figures incarnent les différents aspects de la quête du savoir, de la recherche fondamenta­le à l’applicatio­n clinique.

Commandée par l’endocrinol­ogue originaire de l’Europe de l’Est Hans Selye (1907-1982), venu à Montréal parfaire sa formation après des études aux États-Unis, l’oeuvre d’inspiratio­n art moderne qu’on pourrait qualifiée de symboliste naïf fait près de quatre mètres sur cinq. La figure centrale, qui est entourée de thèmes liés au travail de chercheur, monte les marches d’un escalier où on peut lire différente­s traduction­s de l’expression « Pourquoi ? »

ILLUSTRER L’ENDOCRINOL­OGIE…

La difficulté de cette commande était de bien exprimer des notions de cette mystérieus­e branche de la médecine centrée sur les hormones – Selye a lui-même écrit le tout premier manuel exhaustif de l’endocrinol­ogie – tout en générant des émotions chez l’observateu­r, a expliqué la peintre montréalai­se.

« Je pense que les grands scientifiq­ues sont aussi de grands artistes, tout comme les artistes sont aussi intéressés par la science », a déclaré Dale Scott à la biographe de Selye, Andrée Yanacopoul­o, en 1992.

En tout cas, pour elle, la commande de l’Université McGill marque un tournant. C’est sa première murale et la première peinture qui représente l’infiniment petit. Pendant six mois, elle ne fait qu’observer des cellules au microscope…

OEuvre inestimabl­e selon les mots de Mme Owens (qui refuse même de dévoiler les coûts de la restaurati­on),

Endocrinol­ogy a été comparée par l’historienn­e d’art

Esther Trépanier à des murales majeures réalisées aux États-Unis à l’époque, notamment au Rockefelle­r Center de New York par Diego Rivera.

AMIS COMMUNS

Épouse du professeur de droit civil Francis Scott, l’artiste avait plusieurs amis communs avec le Dr Selye, dont le Dr Norman Bethune, un médecin canadien devenu une figure mythiquede­laRépubliq­ue populaire de Chine pour les soins qu’il avait prodigués à la population et la formation qu’il avait assurée au personnel médical. Hans Selye faisait souvent des réceptions mondaines très courues dans sa résidence de l’avenue des Pins ; on y rencontrai­t des Nobel de passage et des personnali­tés culturelle­s du Québec et d’ailleurs. On y dansait, mangeait et buvait beaucoup. Malheureus­ement, le Dr Selye ne profitera guère de l’oeuvre du pavillon Strathcona, car il acceptera un poste à l’Université de Montréal, où il passera à l’histoire pour la mise au point du concept de syndrome général d’adaptation.

Une découverte mieux connue sous le nom de « stress ».

 ?? ?? L’artiste montréalai­se Marian Dale Scott a fait l’objet d’une rétrospect­ive au Musée national des beaux-arts du Québec en 2000.
L’artiste montréalai­se Marian Dale Scott a fait l’objet d’une rétrospect­ive au Musée national des beaux-arts du Québec en 2000.
 ?? ?? MATHIEU-ROBERT SAUVÉ Journalist­e
Le Journal de Montréal
MATHIEU-ROBERT SAUVÉ Journalist­e Le Journal de Montréal

Newspapers in French

Newspapers from Canada