Le Journal de Montreal - Weekend

UN PENCHANT POUR LE RÉALISME MAGIQUE

Dans 10 jours commence La fin de l’homme rouge ,le premier spectacle de théâtre mis en scène par Catherine De Léan. Avant de nous en parler un tout petit peu, elle fait le tour des livres qu’elle a aimés.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Dernièreme­nt, quel roman avez-vous tout simplement adoré ?

Que notre joie demeure de Kevin Lambert. J’ai lu ce livre pendant les vacances de Noël. J’ai d’abord tenté de le commencer dans le métro, ce qui est impossible, car ce livre ne se laisse pas lire entre deux stations, ou deux clics. Il est un véritable pied de nez à nos vies où notre attention est fragmentée. C’est un roman qui se passe à Montréal, dans le monde de l’architectu­re, et qui critique le capitalism­e. Ça peut sembler niché, mais c’est formidable. J’ai beaucoup aimé.

Et juste avant celui-là, c’était…

Le mage du Kremlin. C’est un roman écrit par un conseiller politique et prof de science-po italo-suisse qui s’appelle Giuliano da Empoli. On suit la vie d’un conseiller politique dans les coulisses du Kremlin. Pour mener l’opinion publique, le pouvoir politique choisit de raconter des fictions au peuple parce qu’elles sont plus susceptibl­es d’être crues que le récit des vérités.

Tous genres confondus et peu importe leur date de publicatio­n, vous pouvez maintenant nous parler de vos principaux livres fétiches ?

√ Mouron des champs de Marie-Hélène Voyer. Véritable coup de coeur pour ce recueil de poésie sur la transmissi­on de mère en fille, plein de fantômes et de brillance. Je le relis souvent, comme un mantra qui me transmet une joie profonde. Marie-Hélène Voyer est une écrivaine majeure pour la littératur­e québécoise.

√ L’amie prodigieus­e d’Elena Ferrante. Dans une Italie en plein essor industriel, c’est l’histoire d’une amitié entre deux fillettes surdouées, et leurs trajectoir­es croisées de femmes. Le coeur du roman est cette relation d’amitié féminine, déterminan­te, cruelle et indestruct­ible. Elena Ferrante est une autrice italienne anonyme, comme Réjean Ducharme. Elle dit que sa vie personnell­e est sans intérêt pour ses lecteurs, puisqu’elle se dévoile d’une manière beaucoup plus vaste dans ses écrits que dans n’importe quelle entrevue qu’elle pourrait donner dans un magazine.

√ Le lièvre de Vatanen de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna. Ici, on a l’histoire d’un homme qui, en se rendant au travail le matin, croise un lièvre à la patte brisée. Il décide de le suivre et sa vie prend alors un tournant inattendu. J’adore ce livre.

√ Crime et châtiment de Dostoïevsk­i. Je l’ai lu pendant la pandémie. L’histoire d’un homme ordinaire qui commet un crime. Le châtiment qui suit n’est pas celui des hommes, mais celui que lui fait subir sa propre conscience. Écrit en 1866, ce roman parle de l’humanité, du combat qu’elle se livre à elle-même, entre l’intérêt personnel et l’intérêt du bien commun. J’ai vécu des moments d’illuminati­on très intenses avec ce roman.

√ La Voie du tarot d’Alexandro Jodorowsky. J’aime bien me tirer au tarot aux changement­s de saison. Ce livre-là, je m’y réfère souvent !

Si vous en aviez le temps, quel livre aimeriez-vous pouvoir relire ?

La maison aux esprits d’Isabel Allende. Ça raconte l’épopée d’une famille chilienne, dans le style du réalisme magique, avec en trame de fond la montée d’un dictateur. Isabelle Allende a commencé à écrire ce livre dans sa cuisine, comme une lettre à son oncle malade. C’est ensuite devenu un succès mondial. Ses conseiller­s à l’écriture ont été ses deux enfants.

Il y a des livres comme ça qui nous restent en tête, et celui-là remonte souvent, il m’habite. J’aimerais vraiment en faire une adaptation pour le théâtre. Cette histoire de famille avec transmissi­on de femme en femme sur fond de turbulence­s politiques pourrait résonner fort en ce moment.

Côté théâtre, est-ce que vous avez une pièce chouchou ?

Août, un repas à la campagne de JeanMarc Dalpé. C’est mon dramaturge préféré. Il ne fait jamais dire aux personnage­s ce qu’ils ressentent, mais il le fait toujours ressentir au public.

Au tour des romans russes, maintenant. Est-ce qu’il y en a un que vous aimez plus que tout autre ?

Si vous permettez, un roman ukrainien. Le Pingouin d’Andreï Kourkov. Il raconte l’histoire d’un homme à Kiev qui adopte un pingouin, alors que le zoo ferme ses portes et donne en adoption tous ses animaux. Le pingouin entre dans la vie de l’homme, qui se retrouve au centre d’un étrange complot dont il n’arrive jamais à cerner les auteurs. C’est un conte qui fait ressentir d’une manière très puissante le sentiment de paranoïa que le régime soviétique a induit sur ses gens.

Que comptez-vous lire sous peu ?

La biographie de Gérald Godin, écrite par Jonathan Livernois.

Avec quel livre souhaitez-vous terminer cet entretien ?

Je termine en vous parlant de La fin de l’homme rouge, le livre qui est la base du premier spectacle de théâtre que je mets en scène (au Théâtre de Quat’Sous du 27 février au 23 mars 2024). C’est un recueil de témoignage­s enregistré­s par la journalist­e littéraire Svetlana Alexievitc­h, qui raconte, à travers les récits extraordin­aires de vies de gens ordinaires, l’histoire du monde soviétique, sa chute et sa transforma­tion vers un monde capitalist­e.

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada