Le Journal de Montreal - Weekend
À 90 ANS, GILLES ARCHAMBAULT PUBLIE UN RECUEIL DE NOUVELLES
Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, l’écrivain Gilles Archambault continue d’explorer avec talent, lucidité, et une pointe d’humour, la grande vieillesse dans son nouveau recueil de nouvelles, Vivre à feu doux. Entre la nostalgie et l’ironie, l’auteur de 90 ans parle de la vie, des proches et des amis qu’on perd ainsi que du temps qui semble se figer, en fin de parcours. La vie coule, les souvenirs se percutent, les sorties deviennent des défis, le questionnement persiste.
Les personnages de ce nouveau recueil de nouvelles voient la vie qui se referme sur eux.
Il y a moins de sorties, moins d’amis. Ils perdent des êtres chers. La mort rôde et le temps semble se figer. Il reste les souvenirs accumulés au fil des décennies et quelques événements qui viennent bousculer le quotidien.
Gilles Archambault, toujours aussi éloquent et agréable à interviewer, dit qu’il n’a « aucun mérite » quand on le complimente sur la qualité de ses ouvrages. « C’est ma façon de vivre, tout simplement. Je vous ai avoué que j’ai eu 90 ans. Moi, surtout l’hiver, je ne sors pas du tout. Je vis seul et il y a des journées complètes où je ne parle à personne. C’est pour ça qu’avec vous, je vais peut-être être trop bavard », dit-il en guise d’avertissement, avec un petit rire espiègle.
STUPEUR ET ÉCLAIRS
Gilles Archambault dit que ses nouvelles sont toujours plus ou moins inspirées du réel. « Mais je dirais, pour faire l’écrivain, que ce n’est pas nécessairement des choses qui ont eu lieu, mais des choses qui ont eu lieu dans l’esprit, si vous voulez. »
Il rappelle avoir publié, il y a 40 ans, un livre intitulé Stupeurs et autres écrits. « Ce qui me frappe, c’est les sortes d’éclairs qui arrivent dans toute vie. Je pars de ça pour écrire une nouvelle ou un conte, mais je ne suis pas le genre d’écrivain à qui il est arrivé des choses extraordinaires. Je n’ai pas fait de grandes découvertes. Je ne prends pas parti pour des causes qui intéressent tout le monde. »
« Je pars du fait, tout simplement, de vivre. Et je pense que même dans ma vie solitaire – depuis quelques années, je ne voyage plus – j’ai amplement le temps de penser à la chose la plus essentielle, qui est le fait suivant : pourquoi je vis ? À quoi ça sert ? Est-ce qu’il aurait été mieux que je ne naisse pas ? »
LE SIMPLE FAIT DE VIVRE
« Partant de ces interrogations qui sont, selon moi, essentielles, je crée des petites situations avec des personnages qui, plus ou moins, me ressemblent. Ils ne sont pas des héros, mais des gens qui se questionnent sans cesse sur le simple fait de vivre. »
Gilles Archambault dit qu’il porte attention à l’émerveillement d’être là, à l’existence de la beauté, au culte de littérature, de la musique et, un peu plus tard, l’amour de la peinture.
« Dès mes 16-17 ans, la littérature m’est apparue comme plus qu’un divertissement : une façon d’être, une façon de vivre. Ça a changé ma vie et c’est pour ça qu’à la fin de ma vie, je me dis qu’au moins, j’aurai eu ça comme contentement. Et je pense que mon écriture s’en ressent. On ne sait jamais pourquoi on écrit mais je pense que moi, l’une des raisons principales, c’est que j’étais absolument perdu dans le fait de vivre. »
Pour lui, dans la vie, il y a la volonté, d’une part, et d’autre part, des décisions qu’on prend. « On est bousculés. On se débrouille comme on peut dans une histoire dans laquelle il n’y a aucun sens. On est dans la vie. On ne sait pas pourquoi. Et on en tire ce qu’on peut choisir de mieux. »
■ Gilles Archambault est né à Montréal en 1933.
■ Il a réalisé et animé à la radio des émissions sur le jazz et la littérature pendant 30 ans.
■ Il a publié plus de 40 livres (romans, nouvelles, chroniques) qui lui ont valu un auditoire fidèle et de nombreux prix, dont le Prix du Gouverneur général et le prix Athanase-David.
■ Il travaille à son prochain roman.