Le Journal de Montreal - Weekend

« AVANT, LE SEXISME ÉTAIT PLUS COMIQUE »

5 questions à François Létourneau, auteur, acteur et coréalisat­eur de C’est comme ça que je t’aime

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

François Létourneau a le sens du dialogue aiguisé. Il crée des personnage­s colorés, souvent névrosés, campés dans des univers types trempés d’humour et de polar. Lyne-la-pas-fine, Marc Arcand et Huguette-l’oeil-du-tigre-Delisle ont marqué l’imaginaire collectif. Les Invincible­s et Série Noire lui ont permis de développer un public fidèle. Avec C’est comme ça que je t’aime, il nous transporte à Ste-Foy, alors que des couples d’amis lassés de leur quotidien s’improvisen­t criminels avec autant de maladresse que de succès. Si la série s’est attiré les éloges du New York Times récemment, elle se conclut avec une savoureuse 3e saison.

La 3e saison se transporte à Montréal où la criminalit­é est plus importante. Huguette, Gaétan, Micheline, Serge et Marie-Josée sont-ils suicidaire­s ou se sentent-ils invincible­s ?

Pour moi, c’est d’abord une série sur le couple. Les couples se sont défaits dans la saison précédente. Les maris aiment encore leurs femmes. Peut-être qu’une dernière aventure va leur permettre de se réconcilie­r ? On avait vu Montréal un peu dans la saison 2, mais à partir du 4e épisode de la saison 3, on y est vraiment. Huguette a décidé de se venger. Il y a plusieurs gangs de criminelle­s avec les Canadiens français, les Italiens, les Irlandais. C’est un plus gros défi.

Nous sommes dans les années 70, mais c’est fou à quel point la série est actuelle, particuliè­rement sur la condition de la femme. Est-ce volontaire ?

Avant le sexisme était plus comique. Aujourd’hui, il est plus nuancé, mais toujours là. La nature humaine reste ce qu’elle est. Huguette s’est imposée comme personnage central. Je suis allé chercher mon inspiratio­n dans ma mère, ma blonde, des femmes qui m’entourent. Mais il y a beaucoup de moi dans Huguette. Je la ressens bien. C’est une véritable héroïne. Elle a un talent de criminelle. Elle est courageuse.

Il y a beaucoup de moi dans Gaétan aussi, que je joue. Sa quête, c’est de la reconquéri­r.

Robert Lepage, Yves Jacques, Xavier Dolan, ne sont que quelques noms qui endossent de nouveaux personnage­s. Les avais-tu en tête en écrivant ?

Il m’arrive souvent d’écrire en pensant à des acteurs. J’avais croisé Yves

Jacques dans la rue. Son personnage est élégant et distingué, mais il dit des choses horribles. Comme il le dit à Huguette, c’est lui le diable incarné. J’ai beaucoup d’admiration pour Robert Lepage. C’est une personnali­té emblématiq­ue de Québec. J’ai eu l’idée de lui offrir d’être le maire de Ste-Foy, un personnage gras, de son époque. Le contre-emploi pour les personnage­s secondaire­s, c’est payant. Xavier en est un bon exemple. Ce n’est pas son casting naturel. J’avais entendu dire qu’il voulait jouer dans le show .Ilest drolatique.

En 76 c’était un été olympique. On sait que faire une série d’époque, c’est coûteux. As-tu dû te restreindr­e à l’écriture ?

J’ai une conscience pratique. Je sais qu’une scène de carrière la nuit, ça coûte cher à éclairer. Je sais qu’il y a des choses qu’on ne peut pas montrer. Les Jeux olympiques, ils sont évoqués. Ce ne sont pas de vraies images qu’on voit pour des raisons de droit. Il faut être créatif. Joanne (Forgues, productric­e) donne tout pour ce show. J’écris un scénario qu’on peut tourner au Québec. S’il y a un moment d’affronteme­nt entre deux clans, on ne peut pas tourner avec 100 criminels qui se tirent dessus sur le Mont-Royal. On évoque. On utilise un article de journal.

Tu coréalises cette 3e saison avec Patrice Robitaille. Était-ce un désir que tu avais et qui t’assure le recul nécessaire puisque tu portes plusieurs chapeaux ?

Ça faisait longtemps que ça me tentait. Jean-François (Rivard), avec qui je travaille depuis longtemps, m’a toujours fait beaucoup de place en m’impliquant à toutes les étapes de la réalisatio­n. J’ai beaucoup appris avec lui. Quand on a pu déclencher la saison 3, il travaillai­t déjà sur son propre projet. Pour moi, la réalisatio­n c’est l’extension de mon travail de scénariste. Pat est mon meilleur ami. Il avait envie de réaliser lui aussi. Je suis touché de la confiance. On a eu l’impression d’être à notre place. L’équipe connaissai­t bien le show que ce soit Barry Russell à la direction photo ou Benjamin Duffield au montage. Je suis très critique par rapport à mon travail. Patrice et moi, on ne se bullshit pas. C’est lui qui dirigeait mes scènes avec Marilyn (Castonguay) pour être juste dans le plaisir de jouer. Quand j’écris, je suis seul dans ma tête. La réalisatio­n, c’est un travail d’équipe avec des gens de talents. C’est une même volonté de raconter des histoires.

√ C’est comme ça que je t’aime est diffusé sur ICI Tou.tv extra

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