Le Journal de Montreal - Weekend
L’amour entre les murs d’un CHSLD
Sept ans après la sortie de sa comédie de zombies Les affamés, le cinéaste Robin Aubert change totalement de registre avec Tu ne sauras jamais, un film intimiste et audacieux dans lequel il raconte l’histoire d’un vieil homme enfermé dans sa chambre de CHSLD qui met tout en oeuvre pour revoir la femme qu’il aime une dernière fois.
C’est au début de la pandémie, en voyant les histoires d’horreur dans les CHSLD aux bulletins de nouvelles que Robin Aubert et sa conjointe, la scénariste Julie Roy, ont eu cette idée de film. Confiné à la campagne avec ses deux jeunes enfants, le couple a écrit une première version du scénario.
« Ç’a été une catharsis pour nous d’écrire ça pendant la pandémie, confie Robin Aubert (À l’origine d’un cri), en entrevue au Journal.
« Ce n’était pas le projet de cinéaste qui était prévu dans mes plans après Les affamés. J’avais deux autres projets sur la table. Mais c’est comme si cette idée-là avait levé la main et s’était imposée à ce moment-là. Ça s’est fait de la façon la plus naturelle possible. »
Dès le début du processus d’écriture, Robin Aubert et Julie Roy ont pensé à Jean Lapointe pour le rôle principal du film. Mais les problèmes de santé du comédien et chanteur, décédé en novembre 2022, ont incité le duo à explorer d’autres options.
« Une fois que Jean n’était plus disponible, on a décidé d’aller complètement ailleurs », indique Julie Roy.
L’idée de recourir à un acteur non professionnel s’est imposée rapidement.
« Je voulais que le spectateur vive une expérience plutôt que de sortir de la salle en se disant que l’acteur livrait toute une performance ! » explique Robin Aubert.
« Pour moi, ce n’est pas un film à performance. C’est plus un état, un esprit, un sentiment ou même un poème. Je voulais plus qu’on sorte du film en ayant une réflexion existentielle ou un sentiment d’amour. Je crois que ça n’aurait pas été possible de faire ça avec un acteur connu. »
Robin Aubert et Julie Roy ont rencontré plusieurs personnes avant d’arrêter leur choix sur Martin Naud, un homme de 88 ans qui n’avait jamais joué à l’écran. S’il convient que le pari était risqué, Robin Aubert dit avoir été tout de suite rassuré à sa première journée de tournage avec son acteur.
« Quand qu’on a tourné le premier plan où la caméra recule et qu’on découvre tranquillement le personnage qui se lève de son lit, on s’est dit : OK, il va être bon, relate-t-il.
« Je suis tombé en amour avec Martin dès mes premières rencontres avec lui. Je me suis tout de suite dit que j’allais pouvoir passer 24 jours à le filmer sans problème. On a eu une connexion, lui et moi. »
CULPABILITÉ
Ce sixième long métrage de Robin Aubert prend l’affiche exactement quatre ans après le début de la pandémie. Mais pour le cinéaste et sa coscénariste, Tu ne sauras jamais n’est pas un film sur la pandémie et encore moins une charge contre les CHSLD.
« Il y a peut-être des gens à qui ça peut faire peur de replonger là-dedans, mais le film dépasse ce sujet-là », assure Julie Roy. « Ça n’a jamais été notre but de faire un film sur un seul sujet. L’objectif, c’était de raconter une histoire d’amour et de voir un personnage qui s’en sort. C’est ça qui demeure à la fin du film. »
« Ce qu’on a constaté en assistant à des projections avec le public, c’est que plusieurs personnes ressentent une culpabilité en voyant le film, ajoute-t-elle. Cette culpabilité, je la ressens moi aussi parce que ma grand-mère était dans un foyer et que je considère que je ne suis pas allée la voir assez souvent. »
« Il y a quelque chose qui nous hante là-dedans parce qu’on vit tous un peu ça. On voudrait tous aller voir nos aînés plus souvent et on voudrait tous qu’ils n’aillent pas vivre dans ce genre d’endroit là et qu’ils puissent habiter chez eux le plus longtemps possible. Tout le monde a une histoire par rapport à ce sujet-là et on l’a senti en montrant le film. »
√ Tu ne sauras jamais, à l’affiche dans les cinémas du Québec.