Le Journal de Montreal - Weekend
ANGELA DAVIS, MILITANTE EXEMPLAIRE
Militante exceptionnelle, Angela Davis a marqué notre paysage politique des années de braise de multiples façons. Mieux, elle a évolué et milite toujours malgré son âge avancé, toujours animée de ce feu sacré qui l’a menée sur tous les fronts des luttes pour l’émancipation sociale, contre le racisme, la ségrégation, l’individualisme capitaliste et pour la justice sociale. L’auteure Najate Zouggari propose, dans ce court ouvrage, de nous faire connaître un peu mieux cette militante qui n’a jamais renié ses idéaux de jeunesse.
Si l’esclavage a été aboli aux ÉtatsUnis au terme de la guerre de Sécession, l’apartheid, « un système légal d’exclusion comparable à l’apartheid sud-africain », a néanmoins légalement été autorisé, entre 1890 et 1917, dans la plupart des États du Sud. Trains, tramways, bateaux, toilettes, écoles, bibliothèques, hospices, hôpitaux, orphelinats, aucun lieu n’était oublié.
Angela Davis est née en Alabama, à Birmingham, « l’une des villes les plus ségréguées des États-Unis d’Amérique », dans un quartier où le Ku Klux Klan effectuait de fréquentes razzias. La population noire est forcée de se protéger, en organisant des actions non violentes. Mais le KKK ne l’entend pas de cette façon. Le 15 septembre 1963, il pose une bombe à retardement dans l’escalier d’une église baptiste. Quatre jeunes filles noires sont tuées et vingt-deux autres sont blessées, des amies d’Angela Davis.
La jeune Angela découvre, dès l’école primaire, l’existence des inégalités sociales et elle ne peut y demeurer indifférente.
Les injustices lui sont insupportables, ce qui la motivera à adhérer, plus tard, au Parti communiste, même avant son engagement au sein du BPP, le Black Panther Party (1967-1970).
Elle a besoin de militer au sein d’une organisation bien structurée et de lier la lutte des Noir-es à celle des autres opprimés, et le Parti communiste lui en donne l’occasion. En véritable stratège, elle juge que cette relation « entre le mouvement de libération noire des années 1960 et les luttes d’autres opprimé·es, hors des frontières états-uniennes » est indispensable pour changer l’ordre des choses.
LE SYSTÈME
Lorsque Martin Luther King est assassiné, le 4 avril 1968, c’est la consternation. Elle se reproche qu’elle et ses camarades du BPP, un peu trop révolutionnaires de salon, juge-t-elle, n’aient pas pensé lui offrir une garde rapprochée. La situation devient vite explosive et « chaque personne noire qui paraissait s’émouvoir de l’assassinat de Martin Luther King devenait la cible potentielle d’une attaque », rapporte-t-elle.
Pour Angela Davis, le racisme est un système de pensée qu’il faut apprendre à connaître pour mieux le combattre.
« Prendre conscience non seulement des structures économiques, sociales et idéologiques qui sous-tendent le racisme, mais également des structures mentales qui le favorisent », précise-telle. L’esclavage a réduit les femmes au rôle de simples reproductrices, d’instrument de renouvellement de la main-d’oeuvre. Hommes et femmes ne sont plus qu’une marchandise.
LES PRISONS
Angela luttera également pour l’abolition du « système carcéro-industriel » auquel elle a ellemême goûté.
Aux États-Unis, la construction de prisons est une véritable industrie qui joue un rôle important dans la perpétuation du racisme systémique, selon Davis. Pour soi-disant protéger la population, l’État achète « de vastes terrains dans des bourgades dévitalisées pour y construire des prisons avec, à la clé, la double promesse de créer un vivier d’emplois et de réduire la criminalité ». Racisme, abus et violences sexuelles font partie de la routine quotidienne des femmes emprisonnées aux États-Unis.
Au terme de cette lecture stimulante, le lecteur et la lectrice en sauront davantage sur cette militante exemplaire, sur son féminisme « pluriversel » – qui s’oppose au féminisme bourgeois, hégémonique prévalant dans les pays occidentaux –, sur ses rencontres avec Toni Morisson, prix Nobel de littérature, ou le rappeur connu Ice Cube. « Une étincelle qui mettra le feu aux plaines de l’oppression… »