Le Journal de Montreal - Weekend

« JE SUIS MA PIRE ENNEMIE »

- MÉLISSA PELLETIER

Petite, Laurence Nerbonne aimait se coucher dans les herbes de sa campagne outaouaise pour se perdre les yeux dans l’immensité du ciel. « C’était mon safe space .» Un endroit privilégié que l’artiste de 39 ans ouvre à ses fans sur son quatrième album, Le ciel est beau regarde les nuages.

« Le titre dit tout. Ce n’est pas un ciel bleu parfait qui est beau, c’est un ciel avec des nuages. L’idée, c’est de voir le ciel bleu malgré les nuages, malgré les petites choses qui nous déplaisent, ou ce qui va moins bien. Essayer de profiter de ce qu’on vit, et d’être dans l’instant présent. C’est beaucoup un album thérapeuti­que », explique en riant Laurence Nerbonne.

Depuis le début de sa carrière, le terrain de jeu de Laurence Nerbonne, qui s’adonne aussi à la peinture, est large.

Du rock exploré dans son feu groupe Hôtel Morphée au virage pop de son premier album solo XO (2016) qui s’est entre autres enrichi de hiphop et de trap au fil des Feu (2019) et OMG (2021), l’auteure-compositri­ce-interprète, beatmaker et réalisatri­ce formée à la musique classique a aussi, entre autres projets, signé la chanson-thème de Star Académie 2021 avec Marie-Élaine Thibault et la musique du film Niagara de Guillaume Lambert.

TASSER L’ENNEMI

Malgré son parcours exemplaire, l’artiste doute.

« Je vois une psy parce que je fais beaucoup d’anxiété, et je lui disais : “Une facette de moi veut faire quelque chose de très expériment­al, très complexe, et l’autre veut faire de la pop assumée qui va rejoindre des gens” », se remémore-t-elle. Laurence Nerbonne le sait : elle a souvent tendance à se détourner du chemin dans lequel elle excelle, comme « faire des hooks, des mélodies accrocheus­es », pour se perdre « par peur de la réussite, ou de ce qui vient avec ça ».

« Je suis probableme­nt ma pire ennemie dans ma démarche artistique, confie-t-elle. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de tasser l’ennemi. L’album, pour moi, c’était un peu une thérapie pour embrasser le bonheur et l’amour. C’est un peu de ce côté-là que je me protège un peu plus d’habitude. »

Si l’anxiété a bien évidemment ses mauvais côtés, elle devient parfois une force motrice pour Laurence Nerbonne.

« C’est mon jus créatif. Je suis hypersensi­ble, c’est ce qui me permet de créer. Des fois, ça devient un monstre. Il faut juste apprendre à ne plus en avoir peur, à lui prendre la main et à lui dire : je n’ai plus peur, t’es là avec moi et ça fait partie de ma personnali­té. »

Les doutes ont finalement donné lieu à une direction.

« Je voulais écrire de la bonne pop contempora­ine en français, qui voulait dire quelque chose… Qui avait de l’émotion, et puis qui n’était pas juste de la pop pour faire de la pop, précise Laurence Nerbonne. On a tendance à croire que c’est plus simple de faire la pop, mais au contraire, c’est comme si je me révèle un peu plus. »

« Ça m’a beaucoup fait retourner à la musique que j’écoutais adolescent­e, quand je ne me prenais pas trop la tête : Jack Johnson, les Backstreet Boys, les Spice Girls, Britney Spears… Ça a vraiment influencé la façon dont je fais de la musique », dit celle qui se dit inspirée aujourd’hui par Rosalía, Beyoncé, Rihanna, Sia…

« J’avais aussi le goût d’apporter des éléments folk dans l’album, comme de la guitare, du ukulélé, qui me rappellent mon enfance et mon adolescenc­e, précise-t-elle. Il y avait cette volonté de partir d’où je viens. »

« Ce qui a été le plus dur, c’est d’assumer de faire quelque chose de très proche de moi, qui me ressemble beaucoup comme album, ajoute Laurence Nerbonne. Je pourrais dire que mes amis vont me reconnaîtr­e dans l’énergie. J’avais le goût de faire de la musique que j’aime. Je n’avais pas envie de me prouver. »

Dans ses nouvelles chansons, avec sa plume franche, Laurence Nerbonne aborde entre autres le féminisme, l’écoanxiété, l’autosabota­ge, la thérapie, la présence envahissan­te des téléphones, les réseaux sociaux, ainsi que l’amour et le désir.

Réaction envers l’état actuel du monde, son quatrième album laisse malgré tout percer le soleil à travers ses rythmes joyeux qui risquent d’en faire dandiner plus d’un.

« Je suis en survie, on est tous en survie, souffle-t-elle. Cet album est fait pour qu’on se sente bien à l’écouter et pour qu’on profite de la vie. Parce que, mon dieu, qu’est-ce qui va arriver demain ? »

Après ce long cheminemen­t, quelles sont ses ambitions pour ce quatrième album ?

« On va voir où ça va me mener tout ça. Je suis contente de l’avoir fait, et je suis beaucoup dans le lâcher-prise. Je suis tellement sincère sur l’album : it is what it is. J’aimerais que les gens soient touchés par l’album, qu’ils comprennen­t et se reconnaiss­ent. »

Le ciel est beau regarde les nuages sera en vente le 29 mars. Laurence Nerbonne sera en spectacle au Cabaret La Basoche à Gatineau le 12 avril.

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