Le Journal de Montreal - Weekend
LA POÉSIE DE LA LUTTE
Avec son nouveau spectacle de cirque, SLAM !, le metteur en scène Robert Lepage a voulu donner à la lutte une certaine forme de poésie.
« C’est un peu le cirque qui sert à ça », a-t-il dit en entrevue avec l’Agence QMI, au cours du week-end, parlant de son nouveau projet. Il caressait d’ailleurs depuis longtemps l’idée d’unir sa compagnie, Ex Machina – qui n’avait jamais produit auparavant de spectacle de cirque comme tel –, à la troupe québécoise FLIP Fabrique.
« J’ai toujours trouvé qu’il y avait beaucoup d’affinités entre le cirque et la lutte pour toutes sortes de raisons : sur le plan physique, le côté acrobatique de la lutte qui parfois s’approche des arts circassiens, les personnages, les contextes. Il se passe beaucoup de choses à la lutte, un peu comme le cirque, sauf qu’il n’y a pas la poésie », a-t-il dit.
« J’ai toujours voulu faire se côtoyer ces deux mondes-là, voir ce que l’un pouvait apporter à l’autre », a-t-il ensuite ajouté.
Peu avant la pandémie, le directeur artistique avait invité son ami, Marko Estrada, qui a coordonné tous les combats pour le spectacle, pour un premier atelier avec les artistes circassiens « pour essayer des choses ».
« On a vu que les artistes étaient capables de tomber et même de faire des choses que les lutteurs ne sont pas nécessairement capables de faire. On s’est dit qu’il y avait là une belle piste », a confié le metteur en scène, qui a avoué avoir eu besoin d’une petite adaptation pour retrouver ses repères avec les circassiens, qui ont des méthodes de travail bien différentes de celles des comédiens.
LE SPECTATEUR
Présenté à la TOHU jusqu’au 7 avril, le spectacle SLAM ! revisitera tous les clichés habituels du monde de la lutte ainsi que ses personnages : les arbitres, les bons, les mauvais, les prétentieux, les patriotes, bref toutes sortes d’archétypes, qui s’affrontent dans l’arène, « mais en dehors de ça, il y a carrément des numéros de cirque », a prévenu Robert Lepage.
« Les gens vont reconnaître la facture d’Ex Machina. Et on sait qu’à la lutte, le personnage principal c’est le spectateur, donc on a travaillé ça beaucoup, et je dirais que la grande différence ou la grande nouveauté qu’on a explorée, c’est la manière d’incarner l’idée du spectateur, comment provoquer des réactions et jouer ce jeu-là. C’est une affaire qu’on n’avait jamais faite », a-t-il poursuivi.
LES ARTS VIVANTS
« Souvent au théâtre, il y a le quatrième mur. On veut que les gens n’interviennent pas trop, mais au contraire, le théâtre, ç’a déjà été ça, ç’a déjà été sur une place publique, où les gens passaient des commentaires et réagissaient. Mais c’est devenu bien poli et presque deux pôles définis : la scène et la salle. Moi, je me suis toujours dit qu’il fallait essayer de trouver une façon d’abolir ce quatrième mur », a fait valoir Robert Lepage.
L’homme de 66 ans, dont l’horaire pour la prochaine année sera assez rempli, croit que la pandémie a eu pour effet de réveiller la conscience du public sur les arts vivants.
« C’est plus le fun de vivre ça en groupe et de faire une communion, que de juste amener ça à la télévision. Je pense qu’il y a un regain de l’art vivant, mais l’art vivant, il faut l’encourager, faut l’aider », a-t-il dit.
« On n’a pas toujours les bonnes politiques pour l’aider. On tient ça pour acquis souvent, alors que ç’a vraiment besoin de soutien. L’argent va beaucoup dans l’audiovisuel, le cinéma, la télévision. Je pense que de plus en plus, on peut se définir par nos arts vivants, du moins beaucoup plus qu’avant. Avant, on apprenait, on cherchait un peu notre style, mais je pense que maintenant, on commence à avoir une maturité, on commence à avoir un patrimoine », a-t-il soutenu.
SLAM ! sera présenté à la TOHU jusqu’au 7 avril.